Avec 7 Piano Sketches, André 3000 poursuit l’entreprise entamée avec New Blue Sun : non pas une réinvention de son art, mais une forme de retrait méthodique de la scène musicale.
À première écoute, le disque se présente comme une suite minimaliste de pièces pour piano solo, méditatives, quasi silencieuses, interprétées par Surya Botofasina sous la direction artistique de Carlos Niño.
André 3000, lui, n’y joue pas. Il ne chante pas. Il ne parle pas. Il ne souffle même pas dans sa désormais célèbre flûte. Il signe.
C’est là que le projet devient fascinant, à défaut d’être musicalement bouleversant : il opère une dématérialisation complète de la figure de l’artiste, jusqu’à flirter avec l’abstraction.
André 3000 ne crée plus de morceaux ; il conçoit des situations d’écoute. Il prête son nom à une atmosphère.
Il écrit des titres longs et poétiques qui orientent la réception et sauvent peut-être l’album d’un anonymat sonore total.
Sur le fond, 7 Piano Sketches s’inscrit dans une logique de “non-album”, proche de la scène ambient spirituelle post-Laraaji ou des performances in situ de Ryuichi Sakamoto : une musique d’espace, de respiration, presque de désengagement. Mais là où Sakamoto composait, ici Botofasina improvise. Là où l’ambient cherche parfois l’épure par l’électronique, ici le piano acoustique se suffit à lui-même.
Ce n’est ni audacieux, ni radical. C’est anecdotique.
Et pourtant, 7 Piano Sketches s’impose comme un objet critique, peut-être malgré lui : que reste-t-il d’un artiste une fois retiré tout geste musical ? Qu’est-ce qu’un disque dont le créateur revendiqué n’a ni écrit, ni joué, ni enregistré la moindre note ? Quelle place donner à une œuvre qui ne se définit plus que par l’aura de celui qui l’encadre ?
En ce sens, 7 Piano Sketches est moins un album qu’un symptôme d’une époque où le nom de l’artiste peut remplacer son œuvre. On l’avait déjà pressenti dans New Blue Sun, malgré que l’effort d’assumer la posture puisse porter le projet d’une manière relativement vague, mais tout de même… un album enregistré avec un iPhone… sans arrangement, sans mix… c’est aussi une manière de dire, cette fois je n’ai vraiment plus rien dans mon tiroir. Laissez-moi tranquille. Mais était-ce vraiment nécessaire ?
En publiant ces enregistrements bruts, André 3000 semble vouloir tester la réception de son art par son public. Il se retire du processus créatif traditionnel — composition, arrangement, production — pour offrir une œuvre qui repose entièrement sur l'interprétation de l'auditeur. C'est un miroir tendu à ceux qui l'écoutent : comment réagissons-nous face à une œuvre qui ne cherche pas à plaire, à impressionner ou à divertir, mais simplement à être ?