The Miles Davis Quintet – Cookin' With The Miles Davis Quintet – (1957)
A force de parler de la période « Prestige » de John Coltrane il ne faudrait pas oublier les historiques enregistrements qui les précédèrent, je veux évoquer le quintet incroyable qui vit le jour autour de Miles Davis et qui installa le trompettiste une bonne fois sur la scène internationale, en position de « star », même si tout ne se fit pas en un jour.
Déjà Miles voulait parfaire cette tendance « cool » à l’éclosion de laquelle il participa au premier chef. Mais, en même temps, ce mouvement se « blanchissait » sous la férule des musiciens blancs de la côte ouest, aussi Miles ne dédaigna pas le « hard bop », plus dur, plus noir !
Il avait un contrat avec Prestige et il fallait sortir des albums, alors il mit sur pied un quintet avec un saxophoniste ténor, il pensait au temps d’avant où il jouait de la trompette aux côtés de Charlie « Bird » Parker, avec son son sax alto, déjà la légende en marche…
Sonny Rollins est le premier nom qu’il choisit, normal c’est le plus grand saxophoniste ténor de l’époque, mais Sonny déclina l’offre car il était en pleine période de désintoxication, alors Miles pense tout naturellement à Julian « Cannonball » Adderley, mais celui-ci a signé un contrat d’enseignement en Floride et n’est pas disponible, alors il se tourne John Gilmore, le soliste de l’Arkestra de Sun Ra, mais, après un essai, Miles change d’avis… Alors qui ?
C’est son batteur, Philly Joe Jones, qui lui souffle le nom de John Coltrane, dont on dit le plus grand bien, mais aussi beaucoup de mal car il est alors très controversé, mais il n’y aura plus de période d’hésitation, après écoute, Miles est enthousiasmé ! Avec Red Garland au Piano et Paul Chambers à la contrebasse, le quintet est ainsi constitué. Des noms qui resteront collés au saxophoniste ténor le plus génial de tous les temps…
Miles sort de l’ornière de la drogue, ce qui lui refit la cerise et lui donna la pêche, bon, mais pour le reste du quintet ils sont tous addicts aux substances, héro et coco. Toute cette affaire avec Prestige, se cristallisa lors de deux séances d’enregistrement, entre mai et octobre cinquante-six, où un paquet de « tunes » furent enregistrées en « one shot », pas de seconde prise, tout d’un bloc.
Ces séances donneront naissance à la quadrilogie historique qui verra le jour par la suite, « Cookin’ » en cinquante-sept, « Relaxin' With The Miles Davis Quintet » en cinquante-huit, « Workin' With The Miles Davis Quintet » en cinquante- neuf et « Steamin' With The Miles Davis Quintet » en soixante et un. C’est que Miles est pressé de remplir son contrat avec Prestige, avant d’envisager la suite de sa carrière chez CBS, qui lui déroulait le tapis !
« Cookin’ » qui ouvre le ban est juste parfait, un chef d’œuvre sur patte ! Comme souvent Miles ouvre les pièces avec un solo du genre génial et Coltrane, rude et austère réplique à sa façon, il est déjà très considérable, même si le célèbre critique Nat Hentoff dira de lui qu’il possède « un manque global de personnalité », un jugement hâtif et, disons-le, grotesque qui finira dans les limbes de l'histoire…
Miles est tout simplement splendide et signe une quadrilogie qui est le premier sommet de sa carrière. On n’entend pas le saxophoniste sur le titre d’ouverture l’emblématique « My Funny Valentine », mais Miles élève très haut son interprétation, jusqu’au rang de l'ultime perfection. Coltrane se rattrapera sur les trois autres titres, également considérables, « Blues By Five », « Airegin » de Sonny Rollins, et surtout l’enchanteur « Tune Up / When Lights Are Low » …