Demon Days
7.5
Demon Days

Album de Gorillaz (2005)

Demon Days par Strangeman57

Mon premier souvenir avec Gorillaz, c'est bien sûr, sur leur « Clint Eastwood ». Je venais comme d'habitude de me prendre une raclée à une compétition de lutte - sport que j'exerçais pour faire plaisir à mon père - et dans un bus de retour quasi vide, le morceau - version longue – ait comme à l'aller. Je ne pouvais m'empêcher de me lever, pour sauter d'un siège à l'autre ; il y avait dans les bass quelque chose de « bondissant », posément mais obsessivement. Puis danser dans un bus, je ne l'ai plus jamais refait depuis, ça m'étonne même que le conducteur ne m'ait pas obligé à m'asseoir et enfiler ma ceinture.


Quatre ans plus tard, à une époque un peu trouble où j'écoutais principalement ce qui ait sur les ondes, est un jour apparu cet étrange clip animé, mélangeant avec réussite 2D et 3D, commençant en plein ghetto pour enfin se dérouler au-dessus des nuages, à “Feel Good Inc”. J'y retrouvais alors quelques personnages familiers, devenus plus mélancoliques que la première fois où je les avais rencontré. Avec ses rires démoniaques, ses “Feel Good” high-pitchés, la bass de Murdoc, le premier couplet au mégaphone de 2D, la douce guitare de Noodle, seule avec son moulin sur son île volante, pour arriver à ces parties rappées par De la Soul ; “Feel Good Inc.” allait facilement devenir le deuxième plus grand single du groupe. Malheureusement, les français préfèreront glisser deux autres projets virtuels en haut du top 50 à l'époque : Ilona Mitrecey et Crazy Frog… Folies de l'adolescence…


Le clip - multi-récompensé - me ramenait là où je n'avais pas été depuis maintenant quelques années. Par ses visuels, par son histoire, il me donnait envie d'en savoir plus, de découvrir la suite… Vous avez compris, je parle des animes qui accompagnaient les musiques de « Discovery » ; cela avait réveillé en moi la même ion pour un univers, comme si j'avais besoin de ce supplément Pop pour totalement apprécier un projet. Par cette ambition artistique, j'avais l'impression d'avoir affaire à une œuvre globale, plus importante que les autres. Les dessins animés révélaient un ailleurs abstrait d'où naissait également la musique. La fiction et sa bande-originale main dans la main.


Avant de partir en vacances dans le Sud avec les parents, je me suis acheté l'album, l'ai écouté durant tout le voyage sur mon vieux baladeur CD – sur lequel j'écoutais déjà Discovery - et Demon Days est tout simplement devenu ma BO de l'été, validé par mon beau-père fan de Johnny. En le réécoutant, c'est le camping, l'odeur du barbec’, les nuits sous la tente, les ballades en vélo dans le centre ville, les siestes sur la plage et cette fille qui me lançait des regards le soir et à qui je n'ai jamais osé parler… c'est tout cela qui me revient et bien plus. Le nombre de rayures sur le CD parlent pour moi ; ce que j'ai pu l'écouter ! Il faut dire que je n'avais pas encore accès à Internet et ma CD'thèque contenait moins d'une dizaine d'albums… C'est bien le net qui m'a rendu mélomanovore plus tard. Depuis ces vacances et toutes les suivantes, c'est devenu une récurrence ; le souvenir que j'en ramenais était toujours (au moins) un album, qui me le rend bien aujourd'hui en m'envoyant des bribes de vacances à chaque réécoute. Plus efficace qu'un magnet pour frigo ou une serviette avec le nom de la ville.


Après ces vacances, avant la rentrée au lycée, je me baladais avec deux amis du collège qui m'annonçaient plutôt apprécier le morceau « Feel Good Inc. » Enjoué par leur engouement, je leur ai expliqué qu'il y avait plein d'autres titres supers sur l'album, et pour leur donner envie, je me suis mis à jouer ces supers titres à la bouche, en chantant faux, en bruitant les beats, les bass et les sons… Je ne sais pas comment je pensais les convaincre d'écouter de cette façon, mais j'étais à fond. Ils ont été patient au moins deux-trois minutes avant de me demander d'arrêter. Qu'elle peut être forte cette ion pour la musique qui te fait agir comme un demeuré…


Demon Days est encore l'album de Gorillaz qui me parle le plus aujourd'hui… sûrement car le premier à pénétrer mon âme d'adolescent (je me suis pris l'éponyme seulement par la suite). Il est concis, efficace et semble de son intro énigmatique à cette conclusion épique régie par une logique narrative propre, sans fioritures. Chaque titre est différent, et pourtant, ce sont tous des tubes en puissance dont la production de Danger Mouse ajoute un cachet non négligeable par rapport au précédent, une puissance clinique ne gardant que l'essentiel de la folie pop d’Albarn. Ce dernier, dont la voix atypique fait toujours merveille, en plus de nous offrir des compositions accrocheuses et éclectiques, se fait plaisir (à lui comme à nous) en jouant avec des guests, allant de Neneh Cherry à Ike Turner, en ant par Dennis Hopper. Parlant à ma génération élevée au rap et à l'électro tout comme à celle élevée au rock, le mélange des genres nous donne quinze titres tout à fait iconoclastes (dont le D-Sides arrive par moments à prolonger le plaisir), et on aimerait d'ailleurs que la pop soit toujours aussi libre et aventureuse.


Ce n'était pas un groupe très populaire au lycée, j'ai arrêté d'en parler. Puis de la musique avec du dessin animé, on te regardait un peu de haut. Au milieu d'un débat La Fouine/Booba, ça ne ait pas. C'était devenu mon petit secret à moi, sur lequel je revenais de temps à autre, intimement. Ça devait être celui aussi de beaucoup d'autres mais n'ayant rien sortis ces années-là, tout le monde a du le garder pour soi ; pourquoi discuter d'un vieux joujou déé ?

La hype est revenue ces dernières années alors même que les derniers albums sont pour moi, moins inspirés. J'écris « pour moi » car j'ai sûrement déjà des goûts de « boomers ». On voit des jeunes avec des sweats « Gorillaz » comme on porte des sweats « Nirvana », s'enjailler sur « Cracker Island » alors même que ce n'est qu'un sous- « DARE », « DARE » que j'avais magnifiquement interprété à la bouche pour mes deux potes… J'ai vu Damon et sa bande pour la première fois en 2022 et mon plaisir faisait autant de yoyo que ma vessie après les deux bières que j'y ai ingurgité. Finalement, les derniers bons souvenirs que j'ai avec ce groupe, ce sont les discussions ionnées durant et après la fac, pour savoir si « Plastic Beach » et « Humanz » étaient oui ou non, des bons albums de Gorillaz. (Spoiler : Oui pour le premier, non pour le second…)


Vingt ans après sa sortie, Demon Days reste encore un modèle de modernité et de musicalité, qui ne sera de toute façon jamais égalable, et il me semble (malheureusement) quasi jamais imité. On s'étonnera que ce soit son grand frère qui reste le préféré de la presse spécialisée et des fans mais on ne s'en plaindra pas ! Avec Gorillaz, nous aurons notre premier grand groupe virtuel du XXIème siècle, un projet à faire écouter et partager avec les générations qui nous suivrons, de nos enfants à nos petits-enfants. Merci Damon !

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le 11 mai 2025

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Strangeman57

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