Souf est un rappeur originaire de Montreuil en Seine Saint Denis qui connait actuellement une évolution fulgurante au sein de la scène Rap Français. Une évolution qui reste pourtant à méditer car celle-ci reste limitée par rapport à d’autres artistes bien plus « main-stream ». Avec un talent certains Souf prend une place de plus en plus importante chez certains auditeurs, notamment chez les plus nostalgiques du « boom-bap » et du Rap à texte. Cette chronique souhaite attirer une attention particulière à cet artiste et à cet album qui est une véritable réussite. Il s’agit ici du troisième album de Souf qui fait suite à « Tranche de Vie » ainsi qu’à « Tour de Magie ». Deux albums marquants par l’intelligence qui en transparait ainsi que par la sincérité qui découle des textes. L’artiste n’hésite pas à évoquer son é difficile de façon crue et sincère donnant une véritable force à ses projets. « Tranche de Vie » est l’exemple typique avec une plongée intimiste dans la vie de l’artiste. « Une tranche de vie » parfois dure et sombre qui est aussi source d’espoir, de respect et surtout de courage.
Le projet « Eau de source » continue sur cette lancée et suit cette trajectoire artistique, véritable identité du rappeur. Ce projet permet à la perfection de développer les arguments avancés ci-dessus ainsi que de dépeindre la mentalité rare de ce rappeur.
L’une des premières choses qui saute aux yeux dans le Rap de « Souf » est l’importance qu’il accorde au boom-bap et à la qualité de l’écriture. Contrairement à la plupart des artistes actuels il prône des morceaux sans mélodies, centrés sur les couplets, montrant une inspiration certaine pour la scène des années 90. Un choix qu’il met en évidence avec l’un des feats de l’album avec la présence d’un des plus grands paroliers du Rap français en la présence « d’Oxmo Puccino ». Souf revendique lui-même cette trajectoire dans ses choix ainsi que dans ses paroles comme on peut le voir quand il rap « Gros morceau sans refrain parce que j’m’en bas les reins ». Souf y revendique vivement sa vision du Rap à travers ses titres, un choix particulier quand on voit aujourd’hui l’importance des chiffres de ventes dans le mouvement. Un mouvement artistique qui à la base était underground et qui ne visait pas à vendre un maximum mais à réaliser les meilleurs textes, les meilleurs « punchlines ». Une vision rare de nos jours qui dégage une véritable intelligence d’écriture. Cependant, Souf revendique sa singularité dans cette vision ne souhaitant pas reproduire des thèmes et « phases » déjà placés sous papiers. Il y revendique son propre travail avec fierté ainsi que sa réflexion « J’ramène un truc neuf, j’suis pas venu piller des tombes ».
Il est important de dégager ces inspirations et cette mentalité afin de mettre en évidence les talents d’écriture de ce rappeur. Il y a une grande intelligence à travers les différents projets et tracks de l’artiste. Les références y sont nombreuses et pertinentes alliant richesse culturelle, provocations et rimes inattendues. Plusieurs ages de l’album transparaissent pour démontrer cet argument. L’une des références les plus marquantes ressort dans le morceau « Score » avec ces paroles « j’pratique la théorie des sages, l’allégorie des caves, j’sais même plus c’que j’dis ». Une référence pas forcément évidente pour nombres d’auditeurs mais qui m’a sauté aux yeux lors de ma première écoute. Cette phase est un véritable « coup de génie » quand on connait l’origine de cette « allégorie ». En effet, il s’agit d’une référence à « L’allégorie de la Caverne » écrite par « Platon ». Philosophe grec ancien reconnu, posant les premières bases de cette discipline reine. « L’allégorie de la caverne » évoque des hommes enchainés au sein d’une grotte qui ne peuvent pas voir par le manque de lumière. Ils sont dos à l’entrée de cette grotte, leur seule façon d’observer les objets présents n’est pas de regarder les objets mais d’observer l’ombre de ces objets. Les personnes au sein de cette caverne ignorent alors la réalité, ignorent la vision totale de ce qu’il y a autour d’eux. Seul l’un d’entre eux pourra en sortir par la suite, découvrant la réalité. « L’allégorie » met en évidence une vision faussée de la réalité, une vision subjective à travers les ombres, une vision trompeuse que l’on peut retrouver dans la société. On peut alors penser que « Souf » met en évidence une vision irréelle des personnes en grandes difficultés qui sont par exemple plongées dans la drogue étant lui-même un ancien toxicomane. Une addiction et une errance qui cache la réalité de la vie comme le font l’obscurité et donc les ombres dans la caverne. Une vision qui sera transformée par le philosophe auquel il se « compare » par cette personne sortie de la caverne qui énonce la réalité du monde aux autres membres enchainés. Montrant à la perfection cette force du rappeur, revenant de très loin par son vécu. Souhaitant transmettre cette force aux auditeurs et aux personnes les plus vulnérables comme il l’a pu l’être. Cette référence est une vraie réussite et une idée marquante du projet qui à elle seule pourrait le définir. D’autres caractéristiques viennent compléter la qualité de ces textes. C’est le cas de rimes inattendues comme dans le morceau « Appuie tête » en collaboration avec ZKR rappeur de Roubaix. Souf au sein de son couplet réalise une rime qui résonne par la façon dont il la pause. En marquant un temps d’arrêt entre les deux mots à l’origine de la rime. Précipitant la réussite de cette rime provocatrice « attend cinq minutes dans l’allées, les condés sont chauds comme un jour d’canicule. Comme d’habitude, chacun doit jouer son rôle, j’ai tassé mon cône ». Ce temps de pause en plein milieu de la rime est fou et montre ici encore à la perfection cette technique d’écriture singulière de l’artiste créant une véritable iration pour la qualité de ses textes.
Ce qui est d’autant plus intéressant c’est que l’artiste conjugue ce talent d’écriture à son vécu personnel. Un vécu sombre nourrit de difficultés et d’épreuves montrant la force et le courage de « Souf ». Un vécu qu’il a principalement abordé dans « Tranche de vie » et qu’il prolonge dans ses nouveaux projets comme « Eau de source ». Un é difficile rimant entre addiction, trafic de stup’ et toute la noirceur qui s’en suit. L’artiste est sincère et sans filtres comme on peut le voir lorsqu’il confie son ancienne addiction à l’héroïne et toutes les difficultés qui en sont liées.
Toutes ces caractéristiques font la force de Souf au sein de ses albums. Il est important de mettre en évidence ce travail de fond par l’écriture et la sincérité. C’est la véritable force de ce rappeur alors que d’autres qualités de ce projet pourraient être évoquées. La force des featurings avec Vald ou encore ZKR est qu’une preuve de plus de cette solidité. Il y a encore énormément à dire sur la qualité de ce travail. Mais je vous invite à écouter ce projet, à vous faire votre propre idée. Ce qui sera d’autant plus parlant pour vous afin de découvrir toutes ses subtilités. J’ai mis ici au jour des qualités qui m’ont touchées personnellement mais votre découverte ne fait que commencer. Un album que je recommande chaudement pour tout amateur de Rap et qui je l’espère aura la reconnaissance qu’il mérite.