Dès l’intro, La Rumeur annonce la couleur : la rumeur, ce n’est pas un bruit de fond, c’est le retour du refoulé, la vérité populaire déformée par les canaux officiels, mais bien plus révélatrice que tous les bulletins d’information.
À travers des textes ciselés comme des tracts, Hamé, Ekoué, Philippe, Mourad et leurs invités écrivent depuis les bas-fonds de la ville néolibérale. Ils construisent une position révolutionnaire, organique, ancrée, où l’insulte et la métaphore ne sont jamais gratuites mais stratégiques.
L’album documente une condition prolétaire postcoloniale à vif : celle des fils d’ouvriers algériens, antillais, sénégalais, marocains, qui vivent l’exploitation, le mépris, la surveillance et l’humiliation depuis l’école jusqu’à la prison. L'État n’apparaît jamais comme neutre ou garant du droit, il est un appareil de répression de classe et de race, une fabrique de criminels à la chaîne.
« Les petites annonces du carnage » offre une critique frontale du capitalisme globalisé - celui qui privatise les organes, outsource l’exploitation, organise le trafic humain. Dans des morceaux comme « Écoute le sang parler » ou « 365 cicatrices », l’album constitue aussi un chant profond pour les morts sans sépulture, les exilés sans tombe, les travailleurs sans reconnaissance. Le lien avec le tiers-monde colonisé est constant, réaffirmant une solidarité internationaliste avec les luttes ées et présentes, de l’Algérie insurgée à l’Afrique pillée, jusqu’à Bagdad, Gaza, ou Tripoli dans le terrible « À minuit l’égorgeur ».
La forme, comme le fond, est sans compromis : aucune tentative d’accroche radio, aucune mélodie adoucissante, aucune concession aux formats marchands. À rebours du rap de scène, du rap d'antenne, du rap de salon, cet album est un cri rugueux, radical et sans vernis, celui des damnés de la terre réécrivant leur histoire à la première personne.