Quelques réflexions autours des première aventures de Gil Jourdan (Libéllule s'évade / Popaïne et vieux tableaux).
C'est une série qui mérite mieux que le relatif oubli où on la cantonne et qui reflète bien son époque de parution.
1ère publication : « Spirou » 1956/57 &1957/58
Publication album : Dupuis 1959
Références : H. Filippini Dictionnaire de la BD pp. 224-225, G. Ratier Avant la case p. 20.
Ouvrage d'étude utilisé : Édition Dupuis Tout Gil Jourdan tome 1 1994 regroupant les épisodes suivants.
– La poursuite (1963) récit court de 12 pages.
– Libéllule s'évade (1956-1957).
– Popaïne et vieux tableaux (1957-1958).
– La voiture immergée(1958-1959).
– Les vacances de Crouton (1964) récit court de 6 pages inédit en album dont le héros est absent.
Note : La numérotation des pages utilisé correspond à celle indiqué par l'auteur sur les planches.
Éléments de critique externe :
La parution de la série par épisodes réguliers dans une revue porteuse par planches, ou demi planches, paraît avoir un influence sur la construction du scénario. M. Tilleux n'hésite pas à développer gags et péripéties au long de récits quitte à bâcler la conclusion des épisodes et un planche ou deux à l'aide de longues répliques.
Le style graphique et le ton nettement humoristique de la série semble correspondre à un style de série conciliant humour et réalisme qui semble avoir vis à vis du lectorat une fonction intermédiaire entre les séries réalistes policière et les séries à gag.
A la même époque le revue Vaillant accueille la série « Gil Bagout » (plagiat ?) au style semblable à celui de « Gil Jourdan » tandis que, dans le même temps, il publie la série policière réaliste « Jacques Flash ».
Éléments d'analyse :
L'image de la femme.
La secrétaire de Gil Jourdan Queue de Cerise correspond à un modèle de personnage féminin intermédiaire.
– Elle est indépendante (elle conduit un scooter) et célibataire.
– Elle a des cheveux courts et porte des pantalons, un pull over et des talons plats.
– Elle participe pleinement à l'aventure en y jouant un rôle actif.
Son attitude et son habillement de type garçonne semble trahir le désir d'être à un garçon.
Gil Jourdan lui fait remarquer que son manteau est boutonné à l'envers, c'est à dire comme un homme, elle se défend en lui répondant du tac au tac :
« Popaïne et vieux tableaux » P 25 1/1 :
Gil Jourdan : « Toujours, boutonnée à l'envers !... Quel pépin ?
Queue de Cerise : Je ne voudrais pas te vexer, mon vieux mais avec ce que tu me paies, quand j'ai usé un coté je suis contente d' l'autre... [...] »
Elle sait néanmoins, à l'occasion, de son charme féminin pour obtenir satisfaction auprès des hommes.
« Popaïne et vieux tableaux » P 22 2/3 & 3/1 :
Queue de Cerise : « Voyons Emile un petit effort ! // Pour ta récompense je te fignolerai mon petit regard firepower sur roulement à billes graissé à l'extra-fluide ! »
En contrepartie sa petite taille et sa pétulance l'assimile plus à une jeune fille qu'à une femme, ce qui suggère entre elle et le héros un rapport de type frère sœur dépourvu de sous entendus sexuels. Rapport qui par ailleurs l'installe dans un rapport d'infériorité vis à vis du héros. Elle reste confiné dans le rôle de fidèle assistante. Limite de son rôle qu'elle constate d'elle même.
« Popaïne et vieux tableaux » P 13 1/ 2 :
Queue de Cerise (en pensée) : « J'ai fauché une de ces moissons de renseignements !! Gil va exulter ! Mais sans lui , je ne peux plus rien faire ! »
L'indépendance du personnage n'est issible que si elle s'inscrit dans un cadre étroitement défini, à l'image des moyens de transports qui sont affectés aux différents protagonistes.
Queue de Cerise – scooter
Gil Jourdan – Renault Dauphine
Pour important et indispensable qu'il soit le rôle de la jeune Queue de Cerise reste en retrait, tandis que Gil Jourdan et Libellule courent l'aventure, elle reste au bureau, fait le guet, effectue des recherches documentaires, etc... Elle ne semble prendre un rôle actif dans l'aventure que lorsqu'elle doit prendre le relais des garçons.
Rupture familiale et rupture sociale.
Gil Jourdan semble apparaitre comme étant la mise en scène du lien existant entre la rupture des liens familiaux et l'installation en ville.
Pourvu d'un nom de famille le héros semble ne faire aucunes allusions à sa famille d'origine.
Sa rupture familiale s'accompagne d'une rupture sociale il refuse d'entrer dans l'istration (police, justice, istration) auquel sa licence de droit le destine. Il choisit au contraire de se lancer dans le métier de détective privé qui incarne à la fois rupture et modernité.
– C'est un métier peu connu en Europe.
– Le détective privé évoque les USA qui incarne le monde de la modernité.
– C'est une activité qui s'exerce en marge de la loi, les activités de Gil Jourdan.
L'institution policière incarné par l'inspecteur Crouton est tourné en ridicule en étant présenté comme vieillotte et inefficace.