Sous les allures d'une BD pour la jeunesse typique de ce que l'on trouve dans le Journal de Spirou à l'époque et dont LES TUNIQUES BLEUES a toujours été un parfait exemple, Black Face est en fait tout autre chose.
Cet album est à classer dans les BD sérieuses limite "adultes". Je m'explique : Dans cet épisode, le réalisme macabre est autrement plus marquant que lors des aventures précédentes. Le cynisme de l'état-major et sa stratégie sordide confinent au documentaire historique : l'explication claire par un colonel nordiste de la libération des noirs comme beau prétexte idéaliste pour s'accaparer les richesses du Sud et finalement laisser les noirs dans les mêmes conditions. Ou encore, faire endosser des massacres de civils par le camp adverse et s'en laver les mains ensuite. Ces stratèges répugnants sont tellement odieux dans leurs plans que même Stilman, habituellement si stupide et détaché, s'en aperçoit !
Lorsque j'étais gamin et que j'achetais LES TUNIQUES BLEUES dès leur parution, je me souviens que celui-ci m'avait déçu parce qu'il était moins drôle. Et pour cause... Il n'y a quasiment aucun humour dans cette histoire, seulement quelques petites touches légères. Ce qui d'ailleurs profite à l'ensemble et rend l'histoire encore plus réaliste que si elle avait été baignée de l'humour potache habituel. Sans compter que Black Face est un personnage absolument pas sympathique (et qui n'a aucune raison de l'être. C'eut d'ailleurs été une grossière erreur qu'il le soit. Encore une réussite du scénariste).
30 ans plus tard, Black Face me semble être ce que le tandem Lambil/Cauvin a produit de meilleur dans la série. Les épisodes plus anciens que je viens de relire me paraissent répétitifs et décevants par rapport aux souvenirs que j'en avais gardés. Pour cet album, c'est l'inverse qui se produit. D'un numéro qui m'avait semblé fade, je trouve aujourd'hui qu'il s'agit du plus fort et certainement du plus abouti de la série.