Du grand cinoche, sur papier glacé.
Profondément inculte en matière de BD franco-belge, c'est avec une grand envie que je me plonge dans Tyler Cross, récit accompagné d'une réputation plus que flatteuse.
Le sous-titre marketing donne le ton :
" Tyler Cross transporte 17 kg de came,
d'une valeur d'un demi-million
à la revente au détail.
Et il a exactement 21 dollars et 80 cents
en poche.
Il note l'ironie de la chose et se met en marche... "
Voilà comment, en 6 lignes, on donne aux lecteurs une envie folle de commencer une histoire, courte de surcroît.
C'est ça la principale qualité de cette BD. L'impression d'avoir en main une oeuvre sans la moindre page à jeter.
Ce qui marque d'emblée, c'est cette ambiance qui nous magnétise dès les premières cases.
Des cases avec un point de vue terriblement cinématographiques, avec pas mal de contre-plongée style western qui mettent en valeur le charisme du personnage principal : mélange entre Paul Muni et Clint Eastwood, symbiose parfaite entre le polar des années 50 et le mystère entourant les personnages de western.
L'histoire de Tyler Cross est d'une simplicité confondante. braqueur à la solde d'un mafieux, il est chargé de faire capoter un deal de drogues afin de piquer la came. Par la suite, il tombe en rade d'essence et se retrouve à marcher jusqu'au comté de Black Rock, dirigé d'une main de fer dans un gant de fer par la famille Pragg, dont l'un des fils suspectent immédiatement notre bon vieux Tyler, d'être un gros mytho. Doute qui va remettre en cause les ambitions de ce cher malfrat...
Ca tient en 5 lignes, et c'est foutrement efficace. Peu de personnages présents, tant mieux. Ils sont tous utilisés à la perfection avec des changements de narrateurs qui dynamisent le rythme et redonnent un surplus d'intérêt à l'histoire dans son ensemble.
Le meilleur exemple est Joe Bidwell, le père de la mariée épousant l'un des fils Pragg, famille qu'exècre Joe.
La raison où plutôt, toutes les péripéties qu'il l'ont amenées à détester cette famille font partis des meilleurs moments de la BD. En quelques pages, le désarroi de ce vieil homme par rapport au choix de sa fille nous apparaît beaucoup plus clair, bien aidé par une description aux petits oignons, qui pourrait s'apparenter à une voix off au cinéma.
Difficile d'oublier cet art en lisant Tyler Cross. Les dessins sont conçus tels quels, une vraie réflexion sur la façon dont les personnages apparaissent. Le patriarche du clan Pragg, le colonel Spencer Pragg en témoigne.
Gros plans sur le regard impitoyable, carrure imposante faisant er ses fils pour des bambins, son dessin est en parfait adéquation avec la volonté scénaristique de l'auteur, donnant encore plus d'intensité à chacune de ses phrases.
Son fils, le sheriff de Black Rock, n'est pas en reste. Petit con attitré, son obsession à se faire bien voir de son père le pousse à ab, encore et encore, de son autorité. Tyler Cross, malheureusement dans le viseur du fils prodigue, va apprendre à connaître l'animal de compagnie du sheriff, qui lui aussi, bénéficie surement de l'un des meilleurs ages du récit, avec un changement de narrateur absolument splendide.
Tyler Cross, c'est donc en résumé, un polar année 50 qui se déroulerait dans un comté paumé du Nevada avec un perso qui transpire la classe, antipathique au possible, un manque total d'empathie dans un environnement dirigé par une bande de salauds. Comme si on avait fait fusionné l'univers des Coen et Tarantino, avec un zeste de pessimiste : une histoire ultra condensée et rythmée en perspective.
Pas besoin d'être un grand amateur de BD, Tyler Cross est à la croisée des chemins, entre grand cinéma et bande-dessinée d'une efficace redoutable.
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