Avec The Fury, Mike Mignola et Duncan Fegredo livrent une conclusion saisissante à l’arc mythologique de Hellboy, où la fureur du destin se heurte à la noblesse tragique d’un héros plus humain que démoniaque. Cette œuvre, dense et brûlante, frappe par sa puissance narrative et sa maîtrise graphique. Si je lui attribue un 9/10, c’est parce qu’elle incarne à mes yeux l’une des formes les plus abouties du récit épique contemporain, tout en gardant l’intimité et la pudeur propres à l’univers de Mignola.
The Fury n’est pas simplement l’énième chapitre d’une saga. C’est l’aboutissement d’une lente montée dramatique, où chaque case résonne avec le poids des choix és. Le récit est tendu, presque suffocant, rythmé comme une tragédie antique : le destin s’abat, implacable, et pourtant profondément mérité. Ce que j’ai trouvé remarquable ici, c’est la manière dont Mignola parvient à mêler l’ampleur cosmique d’une apocalypse avec l’introspection douloureuse d’un personnage au bord de lui-même.
L’un des points forts de ce volume, c’est sans aucun doute l’évolution de Hellboy. Il ne s’agit plus d’un simple enquêteur du paranormal, ni même d’un antihéros classique, mais d’une figure christique, sacrifiée et consciente de son rôle dans un monde qui se délite. Sa solitude, sa colère rentrée, son refus du pouvoir font de lui un protagoniste d’une richesse rare. Cette humanité, crue mais digne, m’a profondément touché. On est bien loin du manichéisme : ici, tout est nuance, tragédie, et résilience silencieuse.
Le dessin de Duncan Fegredo mérite une mention toute particulière. Loin d’imiter Mignola, il s’en inspire pour créer quelque chose d’unique : des compositions dynamiques, tourmentées, traversées de forces obscures, qui traduisent visuellement la fin imminente d’un monde. Le trait se fait nerveux, parfois brutal, mais toujours lisible et porteur de sens. Chaque planche semble crépiter d’une tension latente. Couplé à la colorisation sombre et organique, l’ensemble évoque un cauchemar mystique, une fresque de fin du monde aussi belle qu’angoissante.
Si je n’ai pas mis la note maximale, c’est parce que certains ages peuvent sembler un peu hermétiques pour ceux qui ne suivent pas la série de manière assidue. Le scénario ne prend pas toujours le temps d’expliquer : il exige du lecteur une certaine mémoire, voire une complicité. Mais pour qui accepte cette exigence, la récompense est immense. Cette densité n’est pas un défaut, mais le prix à payer pour une œuvre aussi ambitieuse.
Hellboy – The Fury est une apothéose : violente, poétique, inévitable. C’est un récit qui ne se contente pas de divertir : il interroge, bouleverse, laisse un goût amer mais nécessaire. J’en ressors avec une iration renouvelée pour ce personnage hors normes et pour ses auteurs, qui ont su conjuguer mythologie, émotion et horreur avec un talent rare. Une œuvre qui marque. Une œuvre qui compte.