Un moment dans une vie d'archi

La charette, c'est le moment où un architecte (ou un artiste) doit rendre un projet dans un timing hyper serré et enchaîne les nuits blanches de travail en espérant finir à temps quelque chose qui se tienne. Dans le cadre des agences d'archi c'est, en général, une réponse à un concours opposant de nombreuses agence en concurrence.


Le protagoniste principal, jeune stagiaire pour un prestigieux architecte, va vivre son entrée dans l'entreprise, sa rencontre de collègues plus moins sympathiques ou carrément antipathiques et, surtout, une énorme charette pour un concours chinois, sous les ordres d'un boss intraitable et de son second hostile.


Voilà pour l'histoire.

En soi, une bonne plongée dans un milieu qui fait rêver mais dont l'envers du décor c'est énormément de boulot pour pas beaucoup d'épnouissement créatif, ce que rend bien la bd.


Pour le reste, les personnages sont assez caricaturaux et sentent le fourre tout de la somme d'expériences vécues résumés dans des archétypes sans nuances. Le boss intraitable mais avec bon fond, le boss salaud horrible sexiste avec chouchou, le collègue chouchou imbuvable, le collègue copain gay baiseur, les branleurs geek de la maquette... Chacun est dans son rôle, dans sa case, et n'en sortira pas, on est dans la comedia dell arte.


On ne s'attache pas assez à des personnages qui, en plus, manquent d'enjeu personnels. Tout pour la charette, mais rien de questionnement personnel. Hors de l'agence, on boit des coups et on rêve d'avenir. Et on baise en hors champ.


Les dialogues sont à l'avenant. Ils expliquent avec un luxe de détails inutiles des situations que le lecteur aurait pu deviner pas lui même. Au lieu de faire deviner subtilement les enjeux et les caractères, le texte amène lourdement une pédagogie digne de "l'archi pour les nuls".


Le dessin est raide et sent un peu le dessin d'après photo. Evidemment, là où c'est super, c'est quand il y a des dessins de décors et de plan, on sent alors que l'auteur est un archi et c'est très plaisant à voir. Malheureusement, hors de son domaine de spécialité, c'est pas foufou (mais pas indigne non plus : ça fait le job)


La couleur tente un truc : une gamme colorée limitée à quelques tonalités de bleus et rouge, sur un fond jaunes. ça a le mérite de l'originalité, mais ça e à côté d'une couleur narrative pour rester dans le domaine du coloriage (utilisation de la couleur non pour marquer des plans / des intensités de moment, mais pour indiquer la couleur de la chemise ou du feu de signalisation). On regrette d'ailleurs que le blanc n'aie pas été mis à contribution, ce qui aurait ajouté un contraste fort dans certaines planches, l'essentiel restant assez plat finalement, alors que le parti pris de départ est intéressant.


Dans le genre, je pense à Asterios Polyp de Davide Mazzuccheli qui met justement en scène un architecte, avec un code couleur limité mais sert à illustrer les états d'esprit de deux personnages.


L'objet livre est pas mal, mais la couverture toute noire manque de lisibilité et e à côté du propos. On voit un type en veste tirant une charette ou tombe du matériel de bureau... Il faut avoir lu la bd pour comprendre l'image... et savoir que Charette est un terme d'archi pour comprendre que c'est une histoire d'archi.

Bref il faut être archi pour comprendre, alors que justement ce livre se destine aussi aux non initiés.


C'est d'autant plus dommage qu'avec le super dessin d'architecture du dessinateur, ça aurait pu donner un truc assez canon, dans des tons colorés proches de ce qu'on trouve à l'intérieur, au lieu de ce bloc noir peu lisible.


Bref, voilà, une lecture qui apprend des choses sur un métier souvent fantasmé, mais dont l'histoire ne laisse finalement pas grand chose, faute d'avoir une intrigue un peu plus riche qu'un enchaîné de boulot réalisés des personnages mannequins.

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le 5 avr. 2025

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CapitaineNemo

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