Un beau sujet...

C'est l'histoire d'une rencontre, entre le dessinateur, Simon Rochepeau, et le journaliste irakien en exil Ali Arkady. Cet homme, qui se reconvertit de la photographie à la sculpture, a fui son pays après avoir été lanceur d'alerte. Envoyé pour couvrir la reprise de Mossoul par la coalition anti-Daesh, il découvre que les soldats dont il a partagé le quotidien, avec qui il avait tissé des liens, sont en réalité responsables de crimes de guerres.

Torture contre des innocents vaguement coupables d'appartenir à Daesh, viol de femme dont on torture le mari, exécutions sommaires maquillées en disparition... Ali Arkady fait mine de continuer un reportage généraliste, mais quand il tombe sur ce genre de scène, il continue à prendre des photographies.

Cela pose, et assez bien, les questions d'éthique inévitables dans ce type de situation : Ali photographie plutôt que d'intervenir ou de dénoncer. A au moins deux reprises, également, les bourreaux exigent de lui qu'il prenne part à la torture. Ils deviennent également de plus en plus agressifs à son encontre, devinant son intention de constituer un dossier. Il continue à accumuler les preuves jusqu'à ce qu'il ne puisse plus continuer sans que sa vie ne s'arrête brusquement.

C'est donc un ouvrage sur la banalité du mal. l y a de l'humain, trop humain, de la détresse masculine qui se change en cruauté, un peu comme dans Redacted de De Palma (un film à redécouvrir).

Cela dit, l'intérêt du livre, de mon point de vue, se trouve davantage dans son sujet que dans la manière dont il a été traité. Soucieux de coller le plus possible à la réalité, on sent que les auteurs ont beaucoup travaillé avec le témoin pour aboutir à une reconstitution la plus fidèle possible. Mais cela a un côté un peu laborieux, voire un peu convenu. Et je n'ai pas bien compris, quand Ali demande l'asile en en échange de sa coopération, pourquoi les gens de la DGSE étaient brusquement représentés par des clones des personnages du Bureau des légendes. De mon point de vue, ce clin d'oeil va un peu contre la prétention à une reconstitution réaliste.

C'est un ouvrage au beau sujet, mais un peu trop illustratif et centré sur la psychologie pour son propre bien de mon point de vue.