Monument du manga dont l'influence a depuis longtemps traversé les frontières de l'archipel nippon, Kozure Okami (ou Lone Wolf and Cub, de son titre occidental) est une création de l'auteur Kazuo Koike et du dessinateur Goseki Kojima.
Nous sommes en plein Japon féodal, au XVIIème siècle, durant l'ère Edo. Daïgoro est le fils d'Ogami Itto, le bourreau du Shogun. Le Clan Yagyu – famille d'assassins au service du Shogun – décide de tendre un piège à Itto, le faisant accusé à tort de trahison envers le Shogunat. Un soir, Daïgoro voit sa mère se faire assassiner et son père massacrer les forces de l'ordre venues l'arrêter. Plutôt que de se rendre, Itto décide d'emprunter la voie du Meifumado, l'enfer bouddhiste – que l'on peut aussi traduire par la voie des démons ou la voie des samouraïs hors-la-loi – et devenir un tueur à gage.
Ainsi débute une épopée sanglante à travers le Japon. Répondant au doux nom de Kozure Okami, littéralement "le loup solitaire et son petit", le duo enchaînera les contrats d'assassin – qu'Itto n'accepte qu'après avoir entendu toute l'histoire de la part des commanditaires – tout en trucidant au age les fils et les filles de Yagyū Retsudō, l'ennemi juré de la famille. Assassinats commandités, vengeance, Japon féodal... ces ingrédients ne sont pas sans nous rappeler Lady Snowblood, autre manga culte écrit par Kazuo Koike (également auteur de Crying Freeman, soit dit en ant). Inutile de dire que le style de l'auteur est plus que palpable dans cet ouvrage, lui qui est é maître dans l'art du Gekiga, c'est à dire le manga adulte, dramatique, intense et profondément violent (en gros, du Shakespeare transposé au Japon).
Lone Wolf and Cub, c'est aussi et surtout le portrait d'un duo père-fils. Daïgoro n'est pas juste le sidekick, comme Robin peut l'être pour Batman, mais bien un personnage aussi important que son père. Le bout de choux est un taiseux imible. Son regard renferme toute la douleur du monde. Il incarne la dimension affective du duo, alors qu'Ogami Itto en représente les pulsions de mort. Lorsqu'il est en présence d'animaux ou d'autres enfants, Daïgoro est un petit garçon comme les autres. Mais lorsqu'il reprend son voyage, il est une âme tourmentée entre le monde des morts et celui des vivants.
Bien entendu, l'histoire de ces personnages est ée à postérité grâce à une adaptation cinématographique de haute volée. Intitulée en Baby Cart (c'est-à-dire « landau » comme celui de Daïgoro, customisé comme l'Aston Martin de James Bond), cette adaptation en six films sortis entre 1972 et 1974 est un must du chanbara, le film de sabre japonais. Il est un complément indispensable au manga pour quiconque souhaite entreprendre un voyage rouge-sang à travers le Japon féodal.