J'ai longtemps était ionné par le sujet de la colonisation/terraformation de Mars. J'ai lu toute la trilogie de Mars de Kim Stanley Robinson, qui reste pour moi le summum de ce genre en soi qu'est la mise en fiction de l'arrivée d'humains sur la planète rouge. Et au fonds, la mélancolie qui découlait de cet ouvrage a fini par me convaincre qu'au fonds, il vaut mieux continuer à rêver sur les photos que nous envoient les rovers et laisser tranquille cet environnement extrême. Les délires mégalomaniaques d'Elon Musk m'ont confirmé dans cet état d'esprit.
Hélas, car la conquête spatiale fait forcément rêver.
Où se situe, dans ce genre, le Mars Horizon de Florence Porcel et Erwann Surcouf ? Dans une veine optimiste et technophile que je trouve assez naïve, et qui me rappelle au fonds l'ouvrage de Marion Montaigne sur Thomas Pesquet.
On suit une équipe de six astronautes, dont deux restent en orbite autour de Mars tandis que les quatre autres se posent et déploient le planning prévu. Evidemment, ils doivent gérer un imprévu : une capsule contenant des cyanobactéries importantes pour le développement de leur base a dévié lors de son entrée dans l'atmosphère et il faut aller la chercher à plusieurs centaines de kms en rover. Il y a évidemment des péripéties qui font craindre pour l'oxygène de l'équipe de deux partie récupérer la capsule. Dans le même temps, une mission automatisée perce la calotte d'Europe, la lune de Jupiter, à la recherche de vie.
L'héroïne, qui est de toute évidence Florence Porcel déguisée, nous explique le déroulement des opérations comme si elle se filmait pour le grand public (donc à la manière de Pesquet). La mission est présentée comme une collaboration internationale public-privé (la base sur mars s'appelle Elon Musk). Le contexte sur Terre en 2080 est pudiquement occulté, on nous dit juste que le projet de colonisation de Mars a encouragé à les pays à collaborer et a suscité des avancées technologiques dans la lutte contre le réchauffement climatique. On est donc dans une utopie technophile apolitique assez gnagnan, qui essaie de compenser par des émotions contemplatives face à l'univers. Cependant le style graphique de Surcouf, assez naïf et "carnet de route", n'est pas suffisamment puissant pour porter ce genre d'émotion à son paroxysme (A comparer par exemple avec l'excellent manga Planètes, qui a des pages à couper le souffle).
Il reste tous les détails véristes et vraisemblables sur ce que serait une colonisation martienne et les nouvelles problématiques qu'elle amènerait (mais sans géopolitique hein, c'est sale). Les réflexions sur la difficulté à créer un temps martien synchronisable avec la Terre, par exemple, sont intéressantes.
Après la narration est clairement inspirée par le fait que Porcel soit une vlogueuse, et il y a un côté enthousiaste "regarde-ça-c'est-trop-cool-omg" qui a un peu le don de m'énerver. Par ailleurs les personnages sont tout le temps en train de décrire ce qu'ils font et de s'auto-évaluer psychologiquement en suivant des procédures, c'est sans doute réaliste de ce qu'est le travail d'astronaute, où l'improvisation et le talent ne valent rien face à la planification et au sang-froid, mais ça se mélange avec le côté technobéat sans recul pour faire un cocktail assez simpliste, je trouve. A l'image de la conclusion, plate et décevante.
Mars Horizon peut plaire à un public qui découvre les enjeux de la colonisation de Mars. Pour ceux qui suivent cela depuis longtemps, c'est un ouvrage un peu horripilant et plat.