Un dernier "Blast" en pleine tronche
Ca y est! Après quatre ans de travail acharné et plus de 800 pages d’une noirceur absolue et glaçante, Manu Larcenet est arrivé au bout de l’aventure "Blast". En refermant "Pourvu que les Bouddhistes se trompent", le quatrième et dernier tome de la série, on est sonné par tant de fêlures et de soufs humaines, mais dans le même temps, on ne peut qu’être iratif devant la maîtrise de bout en bout de la part de Larcenet, tant au niveau du récit qu’au niveau graphique. "Blast" est véritablement une BD hors normes. Y compris au niveau de sa forme, puisqu’elle mélange les genres. Après avoir utilisé des dessins d’enfants dans les tomes précédents, Larcenet utilise deux nouvelles trouvailles visuelles dans ce tome 4: des strips mettant en scène "Jasper, l’ours bipolaire" et des collages obsessionnels de femmes nues et déformées. Et puis, comme s’il voulait faire contrepoids par rapport à la sauvagerie de ses personnages, Larcenet consacre également plusieurs planches muettes et superbes à la beauté de la nature. Car finalement, c’est seulement là, au milieu des arbres et des animaux, que son héros parvient véritablement à trouver la paix intérieure. Pour rappel, "Blast" raconte le parcours tragique et sanglant de Polza Mancini, un écrivain corpulent qui décide de tout plaquer du jour au lendemain pour errer sur les routes et dans les bois. Une errance au cours de laquelle il va faire beaucoup de mauvaises rencontres. C’est encore le cas dans cet ultime épisode de la série, puisqu’il est hébergé par Roland Oudinot, un dangereux violeur en série, et par sa fille Carole. Cette dernière est l’autre personnage central de la saga, puisque Polza est suspecté par la police de l’avoir assassinée. Son long interrogatoire constitue le fil rouge des 4 albums. Dans "Pourvu que les Bouddhistes se trompent", on va enfin obtenir des réponses à quelques-unes des questions que les deux inspecteurs se posent à son sujet. Cela dit, Larcenet est suffisamment habile pour ne pas nous livrer toutes les clés. Il restera donc toujours une grosse part de mystère autour de Polza, même si on devine dans ce tome 4 que les "blasts", ces sortes de déflagrations intérieures qu’il ressent par moments (surtout lorsqu’il prend de la drogue), jouent sans doute un rôle beaucoup plus néfaste que ce que l’on pensait jusque-là… Ce n’est vraiment pas prendre un grand risque que d’affirmer que "Blast" marquera sans doute l’histoire de la BD. On pourrait même parler d’un chef d’oeuvre, tant le roman graphique de Manu Larcenet est d’une intensité hors du commun. L’auteur y a vraiment laissé libre cours à son côté le plus sombre, révélant ainsi un visage souvent effrayant mais aussi et surtout très humain, avec tout ce que cela implique comme failles. A vrai dire, on se demandait un peu comment Larcenet allait bien pouvoir clôturer une histoire aussi hors du commun. Avec "Pourvu que les Bouddhistes se trompent", il balaye ces doutes et prouve définitivement qu’il est bel et bien un des tout grands de la BD contemporaine.