Il est des films qui caressent l’intime sans jamais vraiment l’éveiller. 10 ans déjà ! fait partie de ceux qui frôlent le cœur sans parvenir à l’atteindre pleinement. Jamie Linden convoque ici le vertige du temps qui e, la tendresse des souvenirs et la cruauté des rêves inachevés. Sur le papier, tout semblait réuni pour toucher à l’universel ; à l’écran, l’émotion peine pourtant à éclore.
La réunion d’anciens camarades de lycée, dix ans après, aurait pu devenir le théâtre d’un tourbillon émotionnel : retrouvailles maladroites, regrets inavoués, blessures mal refermées. Mais au lieu d’embrasser pleinement la complexité de cette époque charnière, le film reste en surface, déroulant des arcs narratifs convenus, parfois à peine esquissés. L’écriture, sans être maladroite, semble manquer d’élan. Elle préfère la retenue à l’audace, la convenance à la vérité nue.
Le film peut compter sur un casting généreux – Channing Tatum, Rosario Dawson, Chris Pratt, entre autres – qui, chacun à leur manière, essaient de donner chair à leurs personnages. Quelques scènes captent par leur sincérité fugace, mais l’ensemble souffre d’un déséquilibre. Certains rôles s’ancrent dans le réel avec une belle justesse ; d’autres se perdent dans des stéréotypes trop lisses pour convaincre. Le chœur ne chante pas toujours à l’unisson, et ce manque d’harmonie affaiblit l’impact global du récit.
Linden parvient néanmoins à distiller une ambiance feutrée, un voile de mélancolie qui nimbe le film d’une certaine tendresse. Il y a dans cette atmosphère quelque chose de vrai, presque pudique, comme un regard en arrière que l’on pose sans amertume, mais sans triomphe non plus. Pourtant, cette douceur finit par s’étioler, faute d’un réel souffle dramatique. On aimerait être ému, mais l’émotion ne s’impose jamais, elle suggère sans convaincre.
10 ans déjà ! n’est pas une œuvre ratée, loin de là. Elle se regarde avec une forme de bienveillance, comme un album photo que l’on feuillette un soir d’automne. Mais elle ne parvient ni à marquer durablement, ni à bousculer vraiment. Un film agréable, aux contours flous, qui aurait gagné à embrasser davantage ses contradictions, à faire jaillir ce chaos intérieur qui accompagne si souvent le age à l’âge adulte.