D'emblée, il y a quelque chose de fascinant dans la manière dont les deux réalisatrices s'emparent de ce fait divers américain. Il vient de nulle part, elles ancrent pourtant leurs personnages féminins dans un lieu (Lorient filmé lentement, décrypté plan, par plan), un milieu social et un mode de vie, raison subsidiaire, facile pourrait-on dire, pour expliquer la folie d'enfantement de ces 17 filles. Elles ne sont jamais montrées comme coupables, jamais comme révolutionnaires mais comme une poignée d'adolescentes qui rêvent, qui construisent leur utopie (terrible) sans penser aux conséquences. Et que peut-on contre les rêves ? Ces jeunes filles veulent recréer de l'amour, du partage et une certaine forme de communauté, là où ils semblent anéantis par un monde qui ne propose pas d'avenir. L'enfant devient alors le symbole d'un attachement. Certaines fondent des clubs, se rassemblent autour d'un style vestimentaire ou d'idées abstraites, de stars éphémères. Mais ces filles là, magnifiquement interprétées, décident d'en prendre pour perpète... Elles ne le savent pas encore, c'est cela surement la force de leur geste. Ce sont surtout des jeunes filles dont le ventre arrondi dérange. Elles savent être dures entre elles, et s'accepter aussi quand elles ne font pas les mêmes choix (une de leurs amies décide de ne pas tomber enceinte). La force du film demeure dans cette absence de jugement, de moral par les réalisatrices. La seule faute de ces jeunes filles est leur insouciance teintée de gravité. La révolution ne prend pas, les enfants seront pourtant bien là.
Dès lors, c'est l'attente et la solitude qui dominent, dans ces longs plans fixes de la ville, où encore des jeunes filles prises isolées chez elle, dans leurs chambres encore teintées d'enfance. A l'image d'Alice du "Beau monde" qui brodait l'attente des femmes, on aperçoit dans ces images des envies d'autre chose -mais quoi- des rebellions étouffées, prises par le corps tout entier. Devenir mère pour affirmer qu'on est différente? C'est toujours moins absurde que de ne rien tenter, pour essayer de grandir, de faire mieux... Le chemin est rude, toutes n'y parviendront certainement pas, les parents sont souvent trop déés, l'école incrédule... L'allure de conte adolescent, rattrapée par son réalisme proche du documentaire, réside avant tout dans les lumineux visages des actrices qui donnent à leur décor un peu de poésie. C'est effrayant et doux à la fois. Mais, je me répète, que faire contre des rêves, mêmes rétrogrades, qui, à 17 ans, sont plus tenaces que la réalité?