Critique rédigée en 2020.
1917, ou la synthèse parfaite d’une guerre totale en 120 minutes, inaugure une décennie cinématographique prometteuse. Le film salué pour ses prouesses techniques part pourtant d’un scénario laconique. Une mission est confiée à deux soldats britanniques: livrer un message ordonnant la suppression d’une attaque planifiée, les lignes téléphoniques étant coupées. Dès lors nous sommes embarqués dans cette tâche inconcevable durant 24 heures.
Avec une photographie irréprochable, un son finement travaillé, des effets visuels plus vraies que nature et une histoire claire et concise, il ne manquait plus qu’au réalisateur de travailler la mise en scène et c’est une réussite. L’illusion d’un simple plan séquence d’une durée de deux heures nous donne le sentiment de vivre véritablement les mésaventures de ces deux soldats. On ne les perd pas de vue d’une seconde, le spectateur incarne littéralement un troisième soldat. Les personnages avancent dans l’inconnu, sans savoir comment arriver à destination, même à terme, les ordres sont contredits à l’image de cette guerre qui n’a ni queue ni tête et qui n’aboutit qu’à des millions de cadavres. Les décors sont sublimes et variés, leur beauté suscite l’iration. C’est une vraie épopée contemporaine que l’on vit là en parcourant terre et mer. Basculant de couleurs chaudes aux couleurs froides, d’un froid hivernal à une petite brise du matin, on ne sort pas de cette séance indemne. Notons la séquence de nuit époustouflante dans les ruines enflammées qui nous plonge dans les abimes de l’enfer.
Alors que les rôles principaux sont attribués à des acteurs peu connus, la volonté d’opter pour des guest-stars anglaises en rôle mineure n’est pas sans rappeler les grands films de guerre d’antan tel que Le Jour le Plus Long ou encore Paris brûle-t-il ? qui séduisent par ces figures éclairs. Sam Mendes aborde la notion de l’ennemi comme une entité, quasiment conceptuelle. C’est un impact de balle, un avion, une bombe ou quelques mots allemands entendus au loin. L’hostilité est à la fois omniprésente et incorporelle. L’immersion est totale, la répugnance des rats, l’odeur des cadavres, on en vient à vérifier si notre main n’est pas pleine de boue. La musique du génie Thomas Newman sert parfaitement le film, elle sait appuyer les moments d’action et intensifier les ages d’émerveillement plus calmes. Au-delà d’une qualité technique indéniable, Sam Mendes parvient, avec un scénario tenant sur un bout de papier, à nous happer, à exploiter nos sens et à engrener nos sentiments qu’ils soient d’angoisse (tranchées des ennemis), de tromperie (le pilote allemand), d’ébahissement (les arbres de la ferme) ou encore de tendresse (la femme française et son bébé). Au même titre que son compère Dunkerque, 1917 ne résonnera plus seulement chez les gens comme une date mais comme une référence au sein du panthéon des films de guerre.