À l’abordage laisse après visionnage le souvenir d’une franche et sincère camaraderie : nous nous rappelons un visage, une réplique ou une situation, et ce sont des amis que nous voyons, et ce sont comme des souvenirs que nous revivons mais en faux, quoique le cinéma soit l’art qui donne vie à la fiction. Guillaume Brac n’a pas son pareil pour croquer ses personnages : il leur confère une authenticité d’autant plus forte qu’elle gagne à investir le terrain du non-dit et du silence. Car il s’agit surtout de regards. Dans les yeux nous lisons l’attente et l’espoir qu’elle procure ; nous lisons également l’incertitude puis la désillusion, aussitôt apparue aussitôt ébranlée par un événement qui va remettre en marche le cœur humain et donc nos adolescents.
Ces personnages, nous avons l’impression de les avoir côtoyés, de les aimer encore – ou de les détester franchement. La démarche sociale entreprise par le long métrage, explicite par le rapport de classes entre Félix et Alma, ne prend jamais le pas sur la fluidité d’un récit qui coule à la manière de la rivière et se construit en épousant le mouvement de ses protagonistes, de leurs corps dans un espace et dans un temps ralentis, suspendus pour la période estivale. Voilà une œuvre dépourvue de grandiloquence et d’effets tape-à-l’œil qui donne à voir et à vivre l’humain dans sa simplicité la plus complexe, réussissant le tour de force d’esquiver l’axiologie lors d’un retournement ultime qui raccorde chaque personnage à sa propre fragilité.
Certainement l’un des meilleurs films de l’année.