Agora est un film qui porte très mal son nom. L'Agora, lieu de vie et d'échanges commerciaux, centre de la cité, est également la place des échanges démocratiques sous Athènes et ses semblables.
Agora, le film, nous donne une leçon de non dialogue entre ses protagonistes. Que ce soit la Philosophe perdue dans ses hypothèses d'astronome, les savants païens insensibles aux aspirations de leurs esclaves, les juifs engoncés dans leurs dogmes, ou les chrétiens, ivres de pouvoirs, d'une intolérance toute dogmatique. Finalement, le seul à dialoguer est celui qui se présente au départ comme le plus imbu de lui même : le disciple puis préfet Oreste. A l'image du citoyen romain, il est pragmatique et politique, mais son combat pour préserver les affaires de la cité est sans valeur face au déferlement des haines religieuses.
Si le film fait des erreurs grossières sur l'époque, que ce soit dans les décors ou la reconstitution de la vie quotidienne, il est globalement très fidèle à l'Histoire, et quasiment tous les protagonistes (hormis les esclaves) sont des personnages historiques attestés (Dont saints chrétiens), dont les destinées sont respectées.
Dans ce film, on assiste à un exemple parmi d'autres de la prise de pouvoir des chrétiens dans l'empire romain, és en 4 siècles du statut d'opprimés à celui d'oppresseurs. Ils sont ici dépeints avec une noirceur quasi sans nuance, mais l'ensemble des faits évoqués leurs sont imputables, et la fin du film est plus douce que l'histoire réelle (le sort réservé à Hypatie).
Si le fond du film est excellent, la forme l'est moins. La performance des acteurs est plus qu'honnête, mais la caméra quant à elle surjoue de rotations multiples dans l'espace enchaîne des plans larges peu flatteurs sur la reconstitution d'Alexandrie, avec des "foules numériques" semblant émerger tout droit d'un jeu vidéo tournant sous Windows 3.1
Scénaristiquement, le film oscille entre les recherches d'astronome d'Hypatie et les conflits secouant la cité. On peut regretter que finalement ils ne se rencontrent que trop peu, bien que mettant en lumière l'intolérance chrétienne sur tout ce qui dévie de la parole de dieu.
Un film à voir pour découvrir une des grandes figures "féministes" de l'antiquité et avoir un éclairage sur une phase un peu trop méconnue de l'histoire de la chrétienté. Si l'inquisition reste le symbole des abus de cette religion, cette période n'en est pas moins peu glorieuse.
Elle sera pourtant le terreau de notre civilisation.