Animatrix est la touche qui manquait au mythe Matrix.
Il en est tout d'abord l'approfondissement, l'épaississement. Au travers de ces 9 courts-métrages sont apportées des réponses à certaines des légitimes questions que sont en droit de se poser les fidèles spectateurs des trois opus filmiques, telles que : comment en est on précisément arrivé au monde de Matrix et au système de la Matrice ? Quelles sont les différentes autres manières de s'échapper de la Matrice ? Dans Matrix, l'homme "libre" ne pourrait il pas, lui aussi, tenter de contrôler les machines via des programmes de simulation, plutôt que de simplement les fuir ou les détruire ?
Il en est ensuite la variation, la diversification, le déploiement. Au fil du visionnage d'Animatrix, on réalise progressivement les formidables possibilités scénaristiques et stylistiques qu'offre le monde de Matrix, preuve de son incroyable richesse théorique, de son indémodable originalité. Ainsi le film est une succession de genres narratifs et graphiques différents, notamment permise par le principe des programmes de simulation qui est, il faut bien l'avouer, une voie de création facile pour tout réalisateur : en vrac, d'un "Record du monde" au dessin remarquable rappelant la série Afro Samurai, on e à un "Programme" à l'ambiance Bushido et dont l'animation de la scène de combat ferait pâlir de jalousie bien des animes du genre, puis à un "Histoire de détective" rendant un superbe hommage aux meilleurs des polars noirs, pour finir sur un "Matriculé" au graphisme post-apo des plus réussit.
Il en est enfin le côté "indé" ou "underground". En effet, que ce soit le format court-métrage, la réalisation principalement japonaise (sont présents des auteurs ayant collaboré dans des réussites comme les films Akira et Dead Leaves, ou les séries Samurai Shamploo, Afro Samurai et Cowboy Bebop), le genre relevant de l'animation, ou encore le ciblage d'un public adulte : tout conduit à apporter à l’œuvre Matrix, très (trop ?) "blockbuster américain" dans son genre, une fraicheur et une légitimité nouvelle, hors des sentiers desquels on pouvait attendre un renouveau. On en arrive même, face à la qualité évidente d'Animatrix, à se demander ce qu'attendent, entre autres, les réalisateurs d'animes japonais pour s'emparer d’œuvres aussi denses et consensuelles que l'est Matrix, pour peut être encore et malgré tout parvenir à les transcender et à ainsi repousser toujours plus loin les frontières de la création..