Il pouvait sembler audacieux de s'emparer de la figure d'Antigone, déjà présente dans la mythologie grecque avant Sophocle, pour décrire la résistance d'une jeune québecoise d'aujourd'hui face une justice déée et partiale. Québecoise oui, mais aussi immigrée Kabyle, ayant vécu l'horreur en Algérie et trouvant dans sa cellule familiale toute l'énergie et la solidarité pour garder la tête haute devant l'adversité dans son pays d'adoption. Antigone est une pure merveille de film, enthousiasmant et rythmé comme un thriller avec une héroïne aussi puissante et humble que Jeanne d'Arc, pas moins. Une jeune femme qui obéit à la loi de son cœur et combat ce qu'elle voit comme une injustice avec toute sa foi, qu'importent les conséquences pour elle-même. D'aucuns prétendent avoir vu un film sans aucune émotion dégagée mais c'est tout l'inverse : elle palpite dans chaque scène, dès que la caméra se pose sur la fièvre du regard d'Antigone qui n'a de cesse de vouloir bouter les préjugés, les abus et l'iniquité hors du Canada. Il y a une grandeur indicible dans ce personnage qui se dépouille de tout sauf de sa fierté et de son courage et il y a longtemps qu'on n'avait pas vu une héroïne aussi magnifique. Moins convaincants, sans doute, sont les ages où la réalisatrice, Sophie Deraspe, traite de l'emballement des réseaux sociaux, chœur antique de notre époque moderne, mais que le film ne soit pas parfait de bout en bout et cède parfois à un certain manichéisme est un élément de plus de son entièreté et de sa probité. Cette ardeur, cette force d'âme et cette conviction s'épanouissent dans le jeu de Nahéma Ricci, époustouflante d'intensité, dont ce n'était que le deuxième rôle. Une étoile est née.