Sur le papier c'est magique.
1936 : le livre de l'amour sur fond de montée de l'abjection nazie. Solal, français, juif et haut-secrétaire dans une Société des Nations qui perd pied face aux massacres des éthiopiens par Mussolini, aux juifs obligés de se cacher pour prier dans des caves en Allemagne et en Pologne. Ariane, suisse, mariée mais qui tombe inexorablement amoureuse.
Evidemment, toute a puissance littéraire d'Albert Cohen n'y est pas, mais le livre est d'une telle richesse, d'une telle densité. Raul Ruiz aurait pu en faire une saga de quatre heures, et ça aurait pu devenir le nouveau Autant en emporte le vent, et mettre La beauté insolente de Jonathan Rhys Meyers et Natalia Vodianova au firmament des grands amants du cinéma. Lui cynique face au monde, rempli de doute quant à la pureté des femmes, désarçonné par la candeur authentique de cette femme, intègre et dévouée. Elle est piégée : finalement elle n'est pas un ange, et pour ça il la hait autant qu'il l'aime. Sur le papier, les pages de mon exemplaire lu et relu depuis des années, c'est magique. Sur la toile c'est raté. je ne trouve pas que ce soit les acteurs qui ratent le coche pour le coup. Leurs intentions collent au livre autant que possible. J'en veux surtout au traitement simplificateur du scénario et au montage.
Mais le montage du projet cinéma pour Belle du Seigneur a été un tel labyrinthe, étalé sur plus de 20 ans depuis que les droits ont été réservés ! Quelque part, un peu comme ces amants, on peut dire que le film a été maudit. L'oeuvre de toute une vie pour Glenio Bonder, réalisateur italien de courts métrages et de documentaires, qui a voulu que tout soit parfait pour le long métrage de sa vie (scénaristes de Benigni, Chef Op' des Harry Potter) mais qui fut frappé lui aussi par une maladie fatale alors que le film était encore en tournage.
(la suite plus tard, quand j'aurais relu Belle du Seigneur)