je suis le réalisateur depuis son premier long-métrage CREEP, une petite bombe en son temps avec un croque-mitaine parmi les plus sympathiques.

Autant vous dire que quand j'ai su que Christophe Smith se mettait au film médiéval, et avec Sean Bean en plus, j'ai été gravement émoustillé. De ce fait, je n'ai pas mis longtemps à me jeter dessus quand le film est sorti. Je l'ai regardé avec ma femme, elle aussi fan de Sean Bean, mais elle ne devait pas s'attendre à ça.

Ce film est d'une noirceur abyssale.
On voit rarement des perles noires comme celle-ci. Tout au plus, des films où le sous-texte très dérangeant, à l'ambiance malsaine, et la puissance qui nous scotche, j'en dénombre 3 ou 4, mon préféré étant "Prince des Ténèbres" de John Carpenter. Christophe Smith se hisse au moins à ce niveau. Ce qui, au départ s'annonce comme un film moyenâgeux très cru (Smith s'illustre très bien depuis Creep dans l'horreur, le gore et l'ambiance) devient une relecture moderne de l'aberration de l'inquisition, de ces vieilles lois qui régissent la vie des prêtres et des moines, de l'éducation des petites gens, et de la superstition.
Histoire démarre de manière assez simple, c'est un moine qui, au moment de la peste noire en Angleterre, voit une opportunité de rendre grâce à Dieu en accompagnant une bande d'inquisiteurs ("barbares" convient mieux) dans un village où les morts semblent se relever, et qui bizarrement est épargné par la pandémie. Accessoirement, il voit là dedans aussi l'opportunité de redre sa dulcinée avec qui il a trahi ses voeux de moine.
On va difficilement pouvoir avancer plus dans le résumé l'histoire sous peine de spoiler, mais ce film très surprenant ne nous emmène jamais où on pense qu'il devrait aller. C'est définitivement l'inverse d'un voyage initiatique, celui d'Osmund, jeune moine, confronté aux limites de son statut de prêtre en ce temps. Le scénario est en cela profond qu'il permet plusieurs visions, pour pouvoir décortiquer chaque personnage, chaque caractère et chaque situation. Déjà riche thématiquement, il le devient encore plus par les choix des personnages et leur conditionnement ou éducation. Les acteurs sont TOUS sans exception excellents. Mention à Carice Van Houten pour son jeu parfaitement décalé et glaçant (car moderne dans un contexte moyenâgeux) et Eddie Redmayne, remarquable dans la peau d'Osmund. Sean Bean dont l'accoutrement est (presque) le même que dans le Seigneur des Anneaux et Game of Throne, démontre que le costume ne fait pas la performance d'acteur.
Finalement, ce film traite de l'ouverture à l'autre, en mode trash et violent.
Sa conclusion n'en est que plus nihiliste et noire.
La musique est exceptionnelle, par ailleurs. Dramatique, noire, elle donne l'impression « que tout est foutu » dès le départ. Seule Elliot Goldenthal était déjà parvenue à un résultat similaire sur Alien 3, avec une musique d'intro d'un glauque absolu. Christopher Henson le ret sans problème sur ce segment, mais à l'inverse de Goldenthal, il n'a pas subit les diktats d'un grand studio et a pu étoffer sa musique et l'ambiance jusqu'au bout du film, prolongeant cette expérience noirissime. Aussi bien que le film, cette bande originale est absolument un must have.

S'il faut retenir quelques mots pour décrire ce film, les voici : cru, violent, sans concession, noir, nihiliste, totalement désespéré.

Et une dernière interrogation, mais pourquoi ce film n'est pas sorti en salle ??
9
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le 17 juil. 2013

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Alexandre Godard

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