Black Dog
7.3
Black Dog

Film de Guǎn Hǔ (2024)

Chine qui s'en vient, Chien qui s'en va...

Ça s'est fait en moins de cinq minutes.

Cinq minutes seulement pour comprendre qu'entre ce Black Dog et moi, une complicité allait se tisser...

Et ça n'a pas loupé.

Une scène et on sait déjà à qui on a affaire. Un vaste plan large qui plante tout un décor. Celui d'une terre entre la vierge contrée à conquérir et le désert où s'égarer. Et puis il y a cette vague de chiens errants qui surgit au milieu de nulle part. Certes, elle n'est pas très réussie techniquement, mais elle n'en demeure pas moins riche de sens et de sensations. Au final,aucune bête féroce au sein de cette meute. La menace retombe vite. Il reste néanmoins que cette vague était puissante, subjuguante. Et puis se distingue ce loup majestueux qui se contente d'observer et d'être observé.

Tout est là. Le film parle par les images. Au fond, dans cette intro, même les mots se réduisent à de simples sons d'atmosphère ; des aboiements inconséquents qui se perdent en échos dans les vastes contrées sauvages. L'intérêt est dans le silence. L'intérêt est dans celui qui se tait.

Cinq minutes, et déjà j'étais apprivoisé.


Black Dog n'a pourtant rien d'original. C'est même tout l'inverse. Être un film indépendant chinois qui sort en Occident et qui choisit de nous parler des mutations de la Chine contemporaine tiendrait presque de l'habitude ; si ce n'est de l'obligation. Rien d'étonnant donc à ce que l'histoire qu'on raconte ici soit celle d'une ancienne ville industrielle qu'on s'apprête à démolir pour accueillir des quartiers d'affaires.

Rien de surprenant non plus qu'à côté de ces habitants qu'on a laissés là en attente de gentrification, on chasse aussi les chiens errants comme les chiens galeux. La symbolique est limpide mais fonctionne d'autant mieux que le dispositif formel est contemplatif. Et on accepte d'autant mieux de s'imprégner de cette Chine qui s'en va que son auteur sait la peindre en couleurs sableuses, en lignes de crêtes adoucies et en espaces appelant à chaque fois la force de l'imagination.

Pour chaque plan, chaque lieu, on est invité à faire cet effort de projection. On essaye de voir ce qu'était cette ville de Chi Xia à son apogée. On se plaît à regretter nous aussi ce qui nous échappe forcément un peu. On apprend nous aussi à nous attacher à ces chiens malingres qu'on appelle à capturer ou exiler.


Comme quoi ça ne tient à rien de savoir nous faire du beau cinéma.

Ça tient juste au fait d'avoir – comme c'est le cas ici pour l'auteur de ce film – une vision cohérente de son œuvre. Ça tient au fait de savoir ce qu'on entend partager comme regard et comment mobiliser au mieux son outil artistique pour le transmettre.

Plus facile à dire qu'à faire, j'entends bien. Mais d'un autre côté, c'est ce qui fait qu'un cinéaste est cinéaste.

Black Dog n'a rien d'original, c'est bien vrai. Malgré tout, il reste le produit d'un vrai cinéaste au sens où moi je l'entends. Et ça, de nos jours, c'est suffisant rare pour ne pas être souligné et apprécié.

Car oui, s'il y a bien une chose qu'aura su me rappeler ce film de Guan Hu, c'est qu'entre le faste des lumières artificielles et la poussière des villes fantômes, il sera toujours préférable de laisser derrière soi ces cités factices et tracer la route avec les vils cabots

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7
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le 29 mars 2025

Modifiée

le 29 mars 2025

Critique lue 86 fois

3 j'aime

lhomme-grenouille

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