Dans une société futuriste totalitaire où tout le monde est surveillé en permanence, les machines ont pris le pouvoir. C’est le dérèglement d’un ordinateur dans lequel est tombé un insecte qui est le point de départ des aventures de Sam Lowry, fonctionnaire jusqu’ici modèle et qui rêve de grandes aventures pour s’évader de ce monde oppressant. Le vieux standard « Brazil » serait le symbole de cette évasion. Il veut à tout prix retrouver la femme apparue dans ses rêves alors que dans ce monde, tout désir doit être étouffé. Gilliam a réalisé ce film en 1985 et l’année précédente, c’était Michael Radford qui avait donné une vision de « 1984 » très proche du roman d’Orwell. Ici, Gilliam garde la trame et les thèmes évoqués par le romancier (la société totalitaire, la surveillance constante, la bureaucratie omnipotente, l’impossibilité de rapports humains « normaux »…) mais a su s’en éloigner aussi pour donner sa propre vision de cette histoire. C’est ce qui lui permet de créer un univers entre Orwell et Kafka, rempli d’images inventives et de trouvailles magistrales : voir par exemple les liftings successifs de la mère de Sam, en particulier le premier !
Il mélange les genres, joue avec la satire sociale et crée des décors assez incroyables (le ministère de l’information par exemple). Gilliam développe un sens de l’absurde poussé dans un monde autant inquiétant que délirant. L’individu n’y existe plus en tant que tel mais doit être au service de la société sans réfléchir. Ceux et celles qui refusent doivent être éliminé(e)s. Certaines scènes sont franchement drôles, avec parfois un rythme de cartoon (2h30 pourtant). Le casting réuni par Gilliam est superbe, à commencer par Jonathan Pryce dans le rôle principal, accompagné de Michael Palin, Robert de Niro, Kim Greist, Ian Holm et Katherine Helmond (loin de son rôle de grand-mère dans « Madame est servie » !). A la fin, à l’issue d’une séance de torture, Sam est définitivement parti dans son rêve, plus en prise avec une société qui annihile l’individu et fredonnant en permanence « Brazil ». Mais a-t-il jamais vraiment eu conscience de la réalité de ce monde totalitaire ? Une réussite brillante, là où le film de Radford est profondément ennuyeux et daté (Gilliam l’avait d’ailleurs sèchement critiqué à l’époque).