Durant l’ère Meiji, un ronin et un esclave orc s’allient pour protéger une jeune elfe. En effet, elle attire beaucoup trop de convoitise, et ce n’est pas juste parce qu’elle s’est échappée d’une maison close. Quelque chose en elle brille et d’autres factions s’intéressent à elle…
Kyōhei Ishiguro est un poète ; il l’a démontré dans Words Bubble Up Like Soda Pop. Il a vu l’excellent film Bright de David Ayer sorti en 2017 et a décidé d’en faire un remake. Pour cela, il l’a intelligemment transposé dans le Japon post-médiéval de l’ère Meiji.
Comme toujours, Kyōhei Ishiguro cherche l’originalité, graphiquement d’abord. L’esthétique est sublime et s’inspire directement des dessins japonais du XVIIème siècle. Cela permet d’avoir des tableaux épurés avec peu de contrastes et une grande lisibilité. L’utilisation de la 3D ensuite, donne une dynamique et une fluidité très agréable en particulier pendant les scènes d’action. En revanche, la musique laisse perplexe. Kyōhei Ishiguro est amateur de rock psychédélique et, pour la bande-son, il a fait appel à un groupe de math rock (???). Du coup, on a droit à des combats épiques sur du rock jazzy complètement déstructuré. Ça casse un peu l’ambiance…
Si le scénario est très simple (il s’agit d’une course-poursuite autour de la jeune elfe) et calqué sur le film dont il s’inspire, la transposition est réussie. Ward est devenu un petit samouraï teigneux et taiseux alors que Jakobi est transformé en esthète raffiné dans le corps d’un géant. En revanche, le monde n’est tout simplement pas expliqué. On ne sait rien des différents personnages, de leur histoire et de leur motivation. Idem pour la politique. La présence des Occidentaux ainsi que de leurs terribles navires est historique, mais leur ivité, leurs projets et même les raisons de leur venue sont escamotés. Enfin, la magie est présentée sans une once d’éclaircissement. Il y a des prophéties très évasives, le boss de fin de niveau est gaulé comme un moustique, mais possède une force surhumaine, et la main tentaculée de son second nous arrive dans la tronche… comme par magie. Enfin, la chute est expédiée sans plus de détails, de même que l’étonnement des héros après le miracle qu’a accompli la petite elfe (et qui, pourtant, devrait les perturber !).
Bright : samouraï soul est un tableau magnifique, une aventure épique et un très joli compliment au film dont il s’inspire. Si c’est une belle œuvre d’art, elle ne saurait en revanche se voir seule, car trop d’informations manquent. Le contexte historique de l’ère Meiji d’abord, et surtout le monde si particulier de Bright. C’est un film indéniablement beau, mais minimaliste, un peu comme cette musique étrange qui perturbe notre contemplation de ces images splendides. La patte de Kyōhei Ishiguro est aisément reconnaissable, mais faut-il chercher à ce point l’originalité au détriment de la cohérence ? Au spectateur de trancher.