Ce film pourrait n'être qu'une simple critique du modèle social actuel et de ses dérives les plus ignobles : déterminisme social, consumérisme indécent, abrutissement généralisé, rupture des liens sociaux. C'est pourtant tellement plus. C'est l'histoire d'une famille, d'un deuil, d'une rébellion. C'est la découverte d'une éducation pas comme les autres, d'un mode de vie à part. Le flirt avec une intimité et un amour que toute famille devrait pouvoir connaître.
Loin de vouloir vomir sur un monde qui a pourtant perdu ses illusions de grandeur, Captain Fantastic préfère simplement nous plonger dans un nouveau type de société resserré sur un seul noyau. Celui d'une petite famille américaine partie s'isoler dans les forêts sauvages de l'état de Washington. Ben, le père de famille, s'occupe de ses 6 enfants en l'absence de sa femme hospitalisée en ville. Dans ce sanctuaire naturel, la famille apprend les rudiments de la chasse et de l'escalade. Les enfants se voient imposer une éducation très stricte à base d'essais politiques et de littérature classique puis finissent par s'essayer à des improvisations musicales autour d'un feu de camp. Idyllique à première vue, cette manière de vivre remet en question le sens même de notre propre mode de vie. Finalement, à quel point avons-nous tort? Ne serait-il pas mieux d'abandonner notre confort actuel pour le troquer avec un autre bien plus ascétique?
Le film ne va pas véritablement tenter de répondre à ces questions. Bien que pointant les faiblesses de notre modèle social par le plus simple des procédés, la comparaison, il va préférer mettre à l'épreuve ce nouveau cadre de vie en le confrontant à l'un des drames les plus difficiles à surmonter pour une famille : la perte d'un de ses membres. Afin d'offrir un ultime adieu à une mère qui a choisi le suicide, la petite troupe part pour un road trip durant lequel elle va finalement découvrir un monde ne lui ayant laissé aucune place. Comme tout bon road movie qui se respecte, le film parle donc de choc des cultures, de remise en question et d'apprentissage.
Face à cette société qui ne peut pas les comprendre, les membres de cette famille vont devoir relever plusieurs défis. Il s'agira d'abord d'être accepté, mais surtout de s'accepter soi-même. Il sera aussi question de rompre avec le père. Face à cet héros du quotidien qui a dilué malgré lui une influence suffocante, les plus grands devront trouver les mots pour s'affranchir et choisir quel sera leur propre avenir.
Il s'agit d'une magnifique erreur. Un film essentiel qui prend le temps de vous raconter l'histoire d'une famille, les détails de sa vie, les fêlures qui l'accablent, les compromis qu'elle devra accepter pour renouer avec la société. Tout au plus, on pourra reprocher au réalisateur une certaine accumulation de références qui auraient pu être intégrées au film de manière plus subtile. Un détail qui n'empêchera pas d'être touché par l'histoire de ce cocon.
Répétons-le, un film essentiel.