Trouver un compagnon pour Magali va en effet offrir la possibilité à Isabelle comme à Rosine de résoudre la question de leur propre manque. Optant pour une stratégie marivaldienne, la mûre Isabelle va un temps se faire er pour Magali auprès de Gérald, un quinquagénaire divorcé rencontré par le biais d’une petite annonce matrimoniale. Certes, Isabelle révèlera finalement à l’homme sa véritable identité. Ayant justifié son surprenant comportement en expliquant notamment qu’elle n’a agi de la sorte que pour s’assurer que Gérald convenait à Magali, Isabelle mettra finalement les deux célibataires en . Et manifestement séduits l’une par l’autre, la veuve et le divorcé dessineront durant les derniers instants de Conte d’automne les prémices d’une future relation amoureuse. La vigneronne aura donc comblé son manque d’homme grâce à Isabelle. Quant à cette dernière, en s’identifiant à la disponible Magali l’espace de quelques rendez-vous avec le séduisant Gérald, elle aura pu se livrer en toute sécurité conjugale au jeu de la séduction. Sans avoir à tromper son époux - l’ultime plan du film montre Isabelle étroitement enlacée à Jean-Jacques -, la libraire aura néanmoins suscité chez Gérald un trouble non dénué de réciprocité, instillant ainsi dans son existence d’épouse fidèle cette ion qui lui faisait initialement défaut.
On l’aura compris, c’est donc une nouvelle fois un voyage à travers la psyché humaine d’une fascinante finesse qu’Éric Rohmer propose avec ce Conte d’automne confirmant (s’il en était encore besoin...) les considérables talents d’analyste psychologique, voire psychanalytique, du cinéaste. Servi par des acteurs idéalement rohmériens, jouissant en outre d’une facture formelle aussi sophistiquée que subtile, ce dernier des Contes des quatre saisons déploie enfin une extraordinaire architecture scénaristique. Et c’est donc une jouissance cinéphile totale que procure ce Conte d’automne aux spectateurs accompagnant ce trio d’héroïnes dans leur lutte victorieuse contre le manque.