Ce qu'on voit n'a rien d'exceptionnel...

Réalisateur-scénariste génial et inégal, Blier n'avait pas marqué de son empreinte si particulière le panorama du cinéma français depuis près de dix ans. Ce n'est donc pas peu dire que la déception est à la hauteur de l'attente.


Reprenant tous les codes de son cinéma, et plus spécifiquement la dynamique des Acteurs (pour la mise en abîme permanente) et de Buffet froid (pour l'errance nocturne en quête de crime), Blier sert une soupe tiédasse avec la paresse et les automatismes d'un chef cuisinier qui tenterait de retrouver ses étoiles perdues en sortant ses vieux restes du congélo.


Les acteurs ont perpétuellement l'air aussi paumé et peu convaincu que leurs personnages qui ne vont nulle part et ne font rien (le souffle court et sous la dictée de son oreillette, Depardieu suit Clavier avec toujours un train de retard), la langue autrefois si brillante laisse place à des dialogues plats et parfois interminables, le scénario est inexistant malgré sa place centrale dans "l'action" et n'a pour profondeur que des poncifs du niveau de "après la vie y a la mort", de nombreuses scènes donnent la sensation d'une photocopieuse qui tourne à plein régime (Clavier qui remarque la musique triste comme Depardieu dans Trop belle pour toi, Farida Rahouadj qui demande à jouer dans le film et monologue comme Maria Schneider monologue et est heureuse de jouer dans Les Acteurs...) et manquent du même coup l'émotion visée ; la noirceur mordante, le rire sauvage et la mélancolie désespérée qui font le sel des meilleurs Blier ont ici le goût d'un coup de blues banal ramolli par les Lexomil, et la fin fait tomber de son siège tant elle rappelle le sketch du Palmashow dans lequel les gars se retournent vers le projectionniste pour lui dire qu'il manque une bobine et qu'il a envoyé le générique trop tôt (là, on n'est plus dans le bâclé ou le conceptuel, c'est carrément les olympiades du grand nawak catégorie foutage de gueule !).


Un film littéralement sans queue ni tête qui, comme je l'ai lu ailleurs, "ne commence jamais vraiment, fait littéralement du surplace tout en digressant souvent inutilement pour enfin se terminer n'importe comment".


A presque 80 ans, et considérant ce qu'est devenu son rythme de production (c'est son cinquième long métrage sur les presque vingt dernières années ; il en a réalisé plus du double sur les deux premières décennies de sa carrière), Blier vient sans doute de signer son dernier film. Et ça sera sans conteste son plus mauvais. Parole de fan : quel dommage !

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le 14 mars 2019

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Alex

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