La cavaleur en marche arrière

L'association de Jean Rochefort et Catherine Deneuve, qui plus est dans une comédie romantique, a de quoi surprendre a priori. Et pourtant... Ils ne sont pas forcément bien assortis, mais chacun à sa manière, ils irradient de leurs charmes dans cette douce fable qui se choisit un pleutre pour héros et qui commence les hostilités en citant la phrase de Jules Renard : "N'écoutant que son courage qui ne lui disait rien, il se garda d'intervenir". Il fallait oser, Yves Robert l'a fait.


Comédie très légère, volontiers et volontairement grotesque par moments, et c'est ce qui en fait tout le sel (un plat goûteux ou abrasif, selon les sensibilités) : l'imagination débordante de Rochefort pour déguiser des gestes couards en actes de bravoure ne tarit jamais. C'est débile, mais c'est tellement drôle... Ça doit être la moustache, je ne vois pas d'autre explication. Le premier temps très chaotique dans sa narration fait un peu peur, avec des flashbacks et des efforts de contextualisation burlesque qui ne fonctionnent pas franchement, à l'instar de ce age dans le é du protagoniste, à la guerre pour son ancêtre, chez ses parents ou en compagnie de son frère radin. Mais une fois le décor posé, la diversité des manifestations de sa lâcheté devient un puissant carburant du rire, que ce soit lors des événements de mai 68 où il défonce sa propre voiture, en bon spectateur de sa propre vie, ou lorsqu'il s'invente une amnésie pour retourner dans sa famille après qu'un ancien amant s'est fait menaçant.


Rochefort est excellent dans le registre du poltron avec des étoiles plein les yeux, Deneuve est excellente dans le registre de la femme libérée et fantasmatique, et la façon de déer leurs peurs sera une épiphanie difficilement prévisible. Le décalage est permanent, jusque dans ces séquences où la voix off ne correspond pas du tout à ce que l'on peut observer. La façon que la femme a d'accepter cet homme sans condition, et les effets de cela sur l'homme en question : belle mise en scène, qui évolue d'une sophistication vers une épure romantique dans les champs de tulipes hollandaises. Au milieu, on peut voir Michel Aumont, Michel Beaune, Dominique Lavanant, Gérard Darmon, le classique du second rôle de la période. Le charme fuyant de Rochefort est inimitable — la même année dans "Le Cavaleur" de Philippe de Broca, décidément.

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le 3 juin 2021

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Morrinson

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