Alors que la simplicité aurait été de montrer l’acheminement des œuvres d’art béninoise dans leur pays d’origine, en gardant un terre-à-terre matérialiste proche des valeurs occidentales modernes, la réalisatrice évite cet écueil. L’intention première est de représenter ce chemin par l’intermédiaire du Cœur spirituel commun aux béninois : celui altéré par l’Empire colonial français, et incarné par une statue antique. Le film n’en perd absolument pas son côté documentaire, au contraire, il s’empare des valeurs béninoises, de leurs croyances ancestrales, pour donner vie à un point de vue ignoré par ceux qui visitent Orsay par pur plaisir esthétique.
Mati Diop ne néglige pas l’importance de l’art, elle s’en sert pour évoquer l’invisible, l’âme d’un peuple endeuillé, privé d’années de communion. Elle rend par le cinéma, les lettres de noblesse d’un territoire endormi. Seule une mise en scène chirurgicale exprimant la lenteur de cette agonie, couplée à une dose d’espoir, elle-même illustrée par le caractère fictif des interludes, pouvait rendre adroit un sujet aussi sensible.
Dahomey prend le temps dans sa première partie, de nous montrer minutieusement chacune des phases du rapatriement des œuvres, avec une réalisation minimaliste qui omet toute artificialité. La minute de silence s’étire à de longues minutes, comme si finalement et à l’allure de ces statues immortelles, le temps n’était plus un sujet. L’importance réside dans le retour aux sources, telle une finalité, le mérite d’un repos éternel.
Plus vivante mais formellement moins aboutie, la seconde partie brise le dispositif initial ; le formalisme n’est plus présent, seule l’émotion compte. Le peuple béninois s’exprime, ses ancêtres sont ici, à travers le façonné : les yeux de ces statues, témoins de l’histoire qui s’est déroulée. La conclusion lyrique marque la fin d’une attente qui semblait vivre uniquement dans l’imaginaire de ce peuple.