Après le succès de «Potiche», comédie délicieusement kitsch à apprécier au deuxième ou troisième degré, François Ozon revient avec un film nettement plus complexe qui aborde, à travers un scénario très élaboré et sur un ton faussement léger, quelques-uns de ses thèmes favoris: la perversité des rapports de classe, les mensonges et les manipulations à l’œuvre au sein de la famille et de la société. A quoi s’ajoute ici une réflexion déjà entamée dans «Swimming Pool», qui mettait en scène une auteure de romans policiers, à savoir les interactions entre la fiction et la réalité.
Adapté d’une pièce de théâtre espagnole, «Dans la maison» raconte l’histoire d’un garçon de 16 ans, invité dans la famille d’un de ses copains de classe, qui se retrouve fasciné par l’ambiance du lieu. Une maison où flotte, écrit-il dans une rédaction remise à son professeur de français (Fabrice Luchini), «l’odeur si singulière des femmes de la classe moyenne». Interloqué par cette phrase qui révèle, selon lui, de vrais talents d’écriture, le prof, jusque-là très désabusé face à l’incurie de ses élèves, entreprend de coacher l’adolescent prodige qu’il encourage à poursuivre son récit. Ce faisant, il met en route un enchaînement d’événements sur lesquels il n’aura bientôt plus aucun contrôle...
Voyeurisme à la Hitchcock, pirouettes et mises en abyme façon Woody Allen, Ozon signe ici l’un de ses meilleurs films en multipliant les clins d’œil à l’histoire du cinéma (sur un scénario qui rappelle le fameux «Théorème» de Pasolini) pour entraîner le spectateur dans les labyrinthes d’un récit aux allures de thriller psychologique où s’estompe très vite la frontière entre monde réel et imaginaire.
Bien plus qu’un film sur l’enseignement ou une fable sur la manipulation d’un maître par son élève sur fond de satire de la bourgeoisie, «Dans la maison» peut surtout se regarder comme une réflexion ludique autour de la création d’une fiction. Comment fabriquer une histoire, comment la rendre intéressante pour le lecteur? Et par extension pour le spectateur, puisque nous sommes dans un film dont le déroulement est soumis au récit développé par l’écrivain en herbe et son mentor?
Avec son casting impeccable (Kristin Scott Thomas, Emmanuelle Seigner et le jeune Ernst Umbauer) emmené par un Fabrice Luchini génial de sobriété, «Dans la maison» mérite qu’on lui rende visite: le plaisir est garanti! I