Un film qui met à mal l'Amérique puritaine et conservatrice des années 50, qui fait voler en éclats le mythe de la famille engoncée dans sa routine et son confort petit-bourgeois, et c'est James Mason, l'acteur aux mille facettes, qui se coule dans la peau du rebelle, du mégalomane qui va faire sauter tous les verrous de cette société.
Ted Avery n'est pourtant pas un écorché : bon père, mari aimant, instituteur dévoué, un homme qui se donne à fond pour procurer à sa famille ce fameux bien-être matériel, garant de respectabilité, synonyme dans ces années-là, d'un bonheur tranquille et rassurant.
Mais cet univers lisse et bien rangé d' Américain moyen, satisfait et sans histoires, qui ne laisse aucune place au hasard ou à l'imprévu, ne peut qu'annoncer la brisure, l'éclatement de la belle façade : la maladie qui surgit sans crier gare, qui affaiblit le corps et ses défenses, renvoyant l'homme à sa vulnérabilité.
Le médicament miracle, la cortisone, va faire office de détonateur, faisant surgir la face cachée de l'être qu'il soulage, affolé par son pouvoir, démiurge tout puissant mais désormais dépendant d'une drogue qu'il ne contrôle plus.
L'homme qui se prend pour Dieu : scène magnifique et terrible où l'ombre gigantesque projetée sur le mur terrorise l'enfant, humilié par le double maléfique d'un père qu'il ne reconnaît plus.
Comme toujours chez Nicholas Ray, on retrouve la face double des êtres et des choses, un élément perturbateur, amour ou violence, qui attaque le vernis révélant la vérité de l'homme à la fois ange et bête, mais toujours cette lueur d'espoir comme dans ce happy end où la famille se retrouve unie, mais jusqu'à quand ?..