Double Impact
4.8
Double Impact

Film de Sheldon Lettich (1991)

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Tatane, whisky et caleçon rose





- Non mais regarde-le deux secondes. Franchement.
- Vous êtes identiques. Vous vous ressemblez comme deux gouttes d’eau.
- Tu te fous de moi ? Comme si tu savais pas que… Jamais, de toute ma vie, je ne porterais une saloperie de caleçon !
- Hé… pas si vite…
- Une vraie tapette !


Deux Van Damme valent mieux qu’un, retour nostalgique sur un choc d'enfance


Double Impact, c’est d’abord une vraie madeleine de Proust. Un film qui cristallise à lui seul l’âge d’or des cassettes VHS, des vidéoclubs de quartier, et de ces week-ends où l’on rejouait les scènes de baston avec les copains dans la chambre, persuadés d’avoir le même coup de pied retourné que Van Damme. Quand j’étais môme, Chad et Alex Wagner n’étaient pas simplement deux facettes d’un même comédien, c’étaient deux figures héroïques bien distinctes avec leur propre aura, et leur propre tempérament. Leur opposition nourrissait une véritable tension dramatique et offrait à l’écran une dynamique percutante… voire, osons-le, un double impact. Réalisé par Sheldon Lettich et coécrit par Jean-Claude Van Damme, Double Impact incarne un virage franc dans la trajectoire du karatéka belge. Fini le tatami ainsi que les combats illégaux, et place aux rues crasseuses, aux night-clubs enfumés, aux embuscades armées et aux règlements de comptes à coups de fusillades déchaînées. Van Damme quitte le pur cadre martial pour plonger tête la première dans un polar urbain survolté, chargé en testostérone, avec des gunfights nerveux clairement inspirée du cinéma d’action made in Hong Kong. Alors bien sûr, Cyborg d’Albert Pyun ou Coups pour coups de Deran Sarafian avaient déjà esquissé une échappée hors des sentiers battus, mais c’est bien Double Impact qui grave dans le marbre cette volonté de briser l'image du combattant de ring afin d’élargir sa palette. C’est une attaque frontale de JCVD en double exemplaire contre les poids lourds du cinéma d’action, et il y plante sa bannière avec la précision d’un coup de pied retourné. Et une chose est sûre, chaque fois que Lettich et Van Damme s’associent, ça fait des étincelles. Ça frappe, ça claque, et ça laisse des traces.




L’histoire tient en une phrase, deux frères jumeaux séparés à la naissance se retrouvent vingt-cinq ans plus tard pour venger l’assassinat de leurs parents. Une proposition classique mais diablement efficace. En effet, dès les premières minutes, le film capte notre attention en balançant sans filtre le massacre des parents Wagner, exécutés avec une violence glaciale par Raymond Zhang (Philip Chan) et Nigel Griffith (Alan Scarfe). Les bébés Chad et Alex réchappent de justesse de ce massacre mais se retrouvent séparés. Une séquence brutale et frontale qui pose immédiatement les enjeux. Cette vengeance ne sort pas de nulle part, mais prend racine dans le sang et le deuil. Un socle émotionnel simple mais solide, qui donne toute sa légitimité à la suite : "la vengeance !" Chaque échange de tirs, chaque poing envoyé, chaque infiltration musclée nous amène vers une justice bien méritée. On veut voir les deux ordures payer le prix fort. On veut voir les frères Wagner faire ce que personne n’a fait à l’époque, à savoir, rendre les coups et faire parler les armes ! On veut les voir réconcilier deux és brisés dans une même explosion de fureur. La loyauté retrouvée, à la fraternité reconquise dans la tourmente. La vengeance prend ici des allures de purification et de délivrance exutoire. Tout cela se fait à travers un récit qui ne laisse jamais de temps mort, en dosant à chaque fois ce qu’il faut de drame, ce qu’il faut d’humour, ce qu’il faut d’enjeu et ce qu’il faut d’action pour ne jamais paraître s’étirer. Chaque séquence est pensée pour maintenir l’adrénaline au maximum. En bref, on ne s’ennuie pas une seconde.



Côté action, on est copieusement servis. Les fusillades explosent à l’écran avec un vrai sens de la chorégraphie : roulades, rafales bien placées, et une gestuelle qui rend hommage aux classiques hongkongais façon Chow Yun-fat. Les affrontements à mains nues ne sont pas en reste, non plus. Ils sont bruts, puissants, différenciés, et opposent deux styles bien distincts. Chad, le raffiné, enchaîne les coups de pied retournés avec une précision martiale, tandis qu’Alex, plus rugueux, distribue des coups de boule ravageurs et cogne avec toute la rage du bitume. Les séquences d’infiltration sont tendues comme un string, et certaines idées marquent les esprits, comme avec le fameux punch brise-nuque d’Alex. Un coup sorti de nulle part, qui encore aujourd'hui reste un grand moment de violence, même Chad n’en revient pas. Côté poursuites, le film varie les plaisirs entre l'évasion en bateau au milieu du trafic, course haletante sur le port de Hong-Kong avec Danielle dans les bras de Chad, et bien sûr, le final survolté dans les entrepôts portuaires. Rien n’est laissé au hasard. Chaque scène est conçue pour maintenir l’intensité et renouveler la formule. Chaque baston a sa propre signature. Van Damme et Lettich cherchent clairement à hausser le niveau, à sortir de la série B balourde pour viser un vrai spectacle d’action léché. En atteste la photographie de Richard H. Kline qui donne du relief à tout ça avec une belle palette de couleurs selon les lieux traversés, en conservant toujours une certaine élégance visuelle. Un effort qui se voit jusque dans les costumes. Chad et Alex ont chacun leur look bien affirmé, qui renforce leur contraste. Même les bad guys sont soigneusement habillés, et maquillés. Mention spéciale à la tronche cauchemardesque de Bolo Yeung, encore plus inquiétant que dans Bloodsport, avec des cicatrices qui racontent déjà la violence du personnage. Et puis, vient l'excellente bande originale d'Arthur Kempel. Une partition nerveuse et grave, qui colle parfaitement aux ambiances urbaines du film, à la tension dramatique, mais sait aussi se faire plus épique quand les frères se battent. Et pour couronner le tout, la chanson Feel the Impact donne le ton final, avec un groove typique des années 90.





- Qu'est-ce que tu es mignon.
- Ha ouais ?
- Presque aussi beau, que Sean Connery.
- Quoi ?!



Côté casting, Jean-Claude Van Damme livre ici l'une de ses performances les plus mémorables en incarnant non pas un, mais deux personnages aux antipodes l’un de l’autre. Et le plus surprenant, c’est que ça fonctionne vraiment. Il ne se contente pas de changer de coupe de cheveux ou de tenue, il insuffle à Chad et Alex des postures, des intonations, des attitudes corporelles tellement différentes qu’on en vient à oublier que c’est le même acteur derrière les deux rôles. Chad, c’est le golden boy californien, souriant, zen, amateur de tai-chi, de caleçon rose et de belles femmes. Un type propre sur lui, qui prend la vie du bon côté. Alex, lui, c’est tout l’inverse ! Il est bourru, taciturne, terre-à-terre, les poings toujours prêts à cogner. Il carbure au whisky, au cigare et aux magouilles, et traîne sa rancœur comme un flingue chargé. Leur duo fait des étincelles, et c’est un vrai plaisir de les voir s’envoyer des vannes… ou des coups. Leur première rencontre, qui se termine sur un magnifique coup de boule d’Alex, donne le ton. Le film exploite avec justesse cette tension explosive, mais sans jamais verser dans la caricature. Leurs différences deviennent leur force, et leur complémentarité apporte au récit autant d’action que d’humour. De plus, pour un film de 1991, le "double Van Damme" à l’écran est plutôt bien géré. Alors oui, certains plans trahissent les limites techniques de l’époque. On repère parfois les doublures et les raccords un peu rigides, mais le tout reste efficace grâce à une mise en scène rusée et au jeu nuancé de JCVD. Il n'y a pas de surjeu ni de confusion, juste deux personnages qui existent pleinement, et c’est là l’une des vraies réussites du film. Le sommet de cette dualité, c’est sans doute cette scène hallucinée où Alex, ivre et parano, s’imagine Chad dans les bras de Danielle, sa compagne. Une séquence torride et clipesque, qui débouche sur un duel brutal qui va détruire un amour fraternel déjà bien abîmé. Et au bout du film viendra la réconciliation. Un moment simple mais beau, où les deux frères se prennent enfin dans les bras, dans un geste de tendresse qui vient solder tout ce qu’ils ont traversé.




Je dois l’avouer, j’adore Chad, mais je fonds pour Alex. Il a cette aura brute, qui explose à la moindre étincelle. Il suffit de le voir broyer dans sa main un verre de whisky qu’il vient de boire avant de saisir deux bouteilles et les exploser sur la tronche de ses adversaires. Et Je n'aurais jamais cru qu’un jour, je préfèrerais troquer les coups de pied sautés de Van Damme contre ses coups de boule. Et puis, il y a une galerie de personnages secondaires ultra-stylés, chacun apportant sa touche badass à ce déferlement de testostérone. Alonna Shaw, dans le rôle de Danielle, incarne la touche féminine du récit, mais loin d’être une simple faire-valoir, elle propose une vraie présence. Belle, élégante et intelligente, elle apporte de la chaleur humaine dans cet univers de brutes. Sa relation compliquée avec Alex, marquée par la jalousie et une tendresse contenue, ajoute une tension bienvenue à l’intrigue. Elle agit aussi comme un catalyseur dans la dynamique entre les deux frères, servant de lien, d’équilibre et parfois de déclencheur. Danielle est surtout le point d’ancrage émotionnel d’Alex, celui qui révèle sa part vulnérable. Quant à sa fameuse scène de fouille intense dans la salle des registres avec Kara (Corinna Everson), disons qu’elle a laissé une empreinte… durable dans ma mémoire de jeune spectateur. Et on comprend pourquoi. À ses côtés, Geoffrey Lewis incarne Frank Avery avec toute la justesse qu’on lui connaît. J'aime beaucoup ce personnage qui est un véritable père de substitution pour Chad. Frank est celui qui porte à bout de bras la promesse de vengeance et de réunion entre les deux frères. Il est à la fois la conscience du récit, puisqu'il était l'ami des parents des jumeaux, et son moteur. Sans lui, rien ne se mettrait en place, ni la quête, ni les retrouvailles, ni même le combat final. Il incarne une figure forte, et une assise émotionnelle envers Chad puisqu'il est son point d'ancrage émotionnel.




Double Impact, c’est aussi une galerie de méchants comme on n’en fait plus. Alan Scarfe campe Nigel Griffith, un homme d’affaires cynique et corrompu jusqu’à l’os, pendant que Philip Chan incarne Raymond Zhang, figure impitoyable du crime organisé. À eux deux, ils forment un duo de pourritures qu’on prend un plaisir non dissimulé à détester, et dont on espère, scène après scène, qu’ils connaîtront une fin aussi brutale que méritée… spoiler : on n’est pas déçus. Mais ce sont surtout leurs sbires qui marquent les esprits. À commencer par Moon, l’implacable homme de main de Zhang. Interprété par Bolo Yeung, déjà mythique depuis Bloodsport, le colosse musculeux revient ici plus terrifiant que jamais. Silencieux, massif, implacable, il impose la peur rien que par sa présence avec sa tronche balafré et son œil en moins. Son premier duel contre Chad est une explosion de violence brute. Un face-à-face sans concession qui met en valeur toute la brutalité animale du personnage. Un combat marquant, qui trouvera une revanche lors du final, et une sortie à la hauteur de son aura. Du côté de Griffith, on retrouve Peter Malota, dans le rôle du garde du corps aux bottes garnies d’éperons. Un détail stylisé qui suffit à lui seul à le rendre mémorable. Son look tranchant et son mutisme glaçant en font un adversaire idéal pour Alex, et leur affrontement dans l’ombre est un petit bijou de mise en scène : pieds contre poings, silence contre rage. Le combat est sec, nerveux, et parfaitement chorégraphié. Et puis… il y a Kara, incarnée par la sculpturale Corinna Everson. Quelle entrée émoustillante ! En dominatrice cuirassée, armée d’un couteau papillon et d’une sensualité agressive, elle électrise littéralement l’écran. Sa scène de fouille sensuelle avec Danielle est gravée dans les mémoires pour de bonnes raisons, et son combat contre Alex est à la fois sulfureux et furieux. Un mélange de violence et de sensualité qui fait monter la température autant que l’adrénaline. Kara, c’est la touche sexy, dangereuse et totalement inoubliable du casting des vilains.



CONCLUSION :



Double Impact, réalisé par Sheldon Lettich, c’est du pur concentré d’action des années 90. Fusillades stylisées, bastons musclées, méchants charismatiques et Van Damme en double ration. Mais au-delà de la castagne, c’est surtout un film généreux et honnête dans sa proposition, qui ne triche jamais avec son public. Il promet du spectacle et il en donne. Soyons clairs : Double Impact ne cherche pas à révolutionner le genre, mais il s’inscrit avec panache dans la mythologie du cinéma d’action. Un vrai bon moment de cinéma musclé, à revoir sans modération, surtout si, comme moi, vous avez grandi en rêvant d’envoyer des coups de boule aussi badass qu’Alex Wagner.



Un 9/10 assumé, avec le cœur et les poings.


- Alex !?
- Amène-toi. Approche !
- Mais, c’est ton frère, enfin !
– Ha ouais ? Pourquoi, tu trouves qu’il me ressemble ? Je vais arranger ça. Quasimodo, à côté, ça va être un prix de beauté.


9
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le 10 mai 2025

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