En 1960, Kirk Douglas en tant que producteur par sa société la Bryna, imposait Dalton Trumbo pour écrire le scénario de Spartacus, acte courageux car Trumbo était fiché sur la fameuse liste noire des activités anti-américaines ; victime du McCarthysme, il ne pouvait plus travailler et se retrouvait banni d'Hollywood. C'est pourtant l'un des meilleurs scénaristes de cette époque, et Douglas s'en souviendra encore puisqu'il lui demandera d'écrire 2 autres scénarios pour 2 autres films qui comptent parmi les meilleurs de la star : le mythique Seuls sont les indomptés (son film préféré) et ce El Perdido. Autant dire que ce western n'affiche pas le même ton que dans d'autres westerns plus traditionnels. En plus c'est Robert Aldrich qui dirige.
Tout en respectant scrupuleusement la mythologie et les règles westerniennes, Aldrich introduit par le scénario de Trumbo une atmosphère intimiste voire romanesque assez rare dans ce type de film. Le thème initial centré sur la marche d'un troupeau, laisse peu à peu la place à une romance ambiguë entre l'aventurier O'Malley joué par Douglas et une ancienne femme qu'il a aimée jouée par la toujours resplendissante Dorothy Malone, qui fait place à son tour à sa fille la jeune Missy incarnée par Carol Lynley. Cette liaison beaucoup plus complexe qu'elle n'en a l'air est inhabituelle et devient troublante. De plus, O'Malley qui incarne le bandit d'honneur et loyal, le cavalier philosophe tout de noir vêtu, transpose un peu la tragédie grecque dans le western, son cadre s'en trouve bouleversé, mais Aldrich ne perd pas pied et ne se laisse pas envahir par la romance, il livre quelques scènes d'action et de tension dont il s'est fait une spécialité dans le film de guerre et le polar. Et ce final en fin de jour (d'où le titre The Last sunset bien plus significatif), est superbement filmé et cruellement logique.
Le personnage de Kirk est l'un des plus troubles que j'ai pu voir dans le western hollywoodien, il symbolise l'homme traqué et tourmenté, tout en rage contenue, trouvant là un rôle formidable face à un Rock Hudson monolithique qui représente la loi et l'ordre, et d'ailleurs l'interprétation intense de Douglas face à la mollesse de Hudson, a tendance à parfois déséquilibrer un peu le film, mais même si je n'ai jamais eu d'iration pour Rock Hudson, je reconnais qu'il a eu quelques bons rôles, et ici, il a beau être mou en face d'un Douglas semblable à une pile électrique, je reconnais qu'il joue bien son rôle en étant d'une belle sobriété. Devant des relations aussi fortes entre les personnages, Aldrich n'a pas besoin d'appuyer ses effets, et il livre un western de grande tenue au ton étrange. Le reste du casting est riche, on y trouve outre ceux cités, Joseph Cotten en guest star, ainsi que les habituelles "sales gueules" du western hollywoodien, comme Neville Brand, Regis Toomey et l'incontournable Jack Elam...