Verhoeven/Huppert, c'était une rencontre de cinéma "prévisible ", de part les itinéraires respectifs de l'actrice française et du réalisateur batave. Et ça fonctionne véritablement grâce à un scénario qui rend justice à l'oeuvre originale de Philippe Djian. Soit un objet trouble,barré où les évidences déniées et les ruptures de ton font bon ménage. Elle, c'est Michèle, femme d'affaires imperturbable et direct de prime abord, mais l'épisode de son premier viol par un inconnu masqué, va nous faire découvrir son entourage et d'autres niveaux de lectures qui vont nous la révéler un peu plus. C'est donc l'intrusion de cet épisode violent qui va confirmer le portrait d'une femme dotée de tellement de ressources.En effet, avant son agression, Michèle a eu un é qui explique ses postures à priori désinvoltes et fracassantes face à la vie et aux autres ( son ex mari, son amie avec qui elle dirige son entreprise de jeux vidéo, sa mère,son fils, sa belle-fille et ses voisins). Tout un microcosme de personnalités qu'elle a su saisir ou pas mais avec lesquels elle a des rapports bien définis.
En plus de trouver intéressant le fait que Michèle est une femme forte qui veut régler son histoire de viol à sa manière, le spectateur ne peut qu'apprécier la multiplicité de ses visages à travers ses connexions avec les autres. On ne peut voir en elle qu'une équilibriste qui temporise ses marches sur le fil pour se prévenir de chutes brutales. Isabelle Huppert excelle à jouer la mère de famille,la séductrice, la chef d'entreprise mais aussi celle qui se confie à la première venue (scène de la maternité) pour remettre tout en perspective et ne pas flancher.
Entourée par un trés bon casting, l'actrice met aussi en valeur chaque confrontation et n'en favorise aucune, ce qui rend la performance totale comme le disent les professionnels du jeu. Entre tensions, dialogues faussement guindés et situations extrêmes, Elle est un mélange détonnant et savamment dosé. Un film également qui parle encore plus aux femmes qui placent la réactivité au coeur de leurs valeurs de vie comme Michèle. Un trait de caractère qui fait que le mélo ne dure jamais dans cette histoire et qu'il faut repartir au combat pour ne pas sombrer dans l'affligeant ou le ridicule ( la mère de la personnage principal connaîtra une réplique cinglante au réveillon de Noël).
Elle est aussi un film sur la complexité des rapports humains, que certains événements ne doivent pas être pris au sens littéral au risque de er à côté de leurs vérités propres. Une expérience jusqu'au boutiste où le tempérament de l'héroïne est suffisamment fort pour embrasser toutes ces réalités confondantes qui demandent des appréciations plus amples et assurées. Cette attitude canalise vraiment l'énergie dramatique d'un film et il ne faudra pas décrocher pour comprendre l'intelligence incroyable de Michèle faisant front pour s'en tirer et se réinventer.
Un ultime coup de chapeau à Paul Verhoeven pour avoir porter ce film à bout de bras à 78 ans et l'expérience en valait la peine car Elle est vraiment une synthèse appropriée des univers abordés du cinéaste.