Double concentré de mélo, Elle & Lui commence avec légèreté. On est riches, sur un bateau, le temps nous appartient et l’on disserte sur ses infidélités au champagne rosé. Boyer, à l’accent français irrésistible, est le seul à pouvoir donner la réplique à l’assurance pleine de charme d’Irene Dunne.
Jubilatoire, bien écrit, les répliques fusent et les regards rivalisent de malice. Mais alors que le couple illégitime commence à souffrir de sa notoriété et que tout le bateau ne cesse de les observer, McCarey impose quelques ruptures qui vont changer le ton et instaurer une intimité que dont le spectateur aura d’autant plus le sentiment d’être le témoin privilégié.
La parenthèse enchantée de Madère, chez la grand-mère de Michel, rompt avec les mondanités. La naissance d’un sentiment sincère e par le sacré de la chapelle et la complicité entre générations, de l’aïeule aux enfants des voisins. Mais cette incursion dans le monde des vivants annonce aussi l’inertie et la fuite du temps, deux thèmes qui structureront la partie suivante.
« Vos souvenirs sont encore à construire », leur dit la grand-mère qui les renvoie sur le bateau. La belle idée du rendez-vous fixé 6 mois plus tard leur permettra de devenir quelqu’un d’autonome, de célibataire et vivant de ses propres revenus. Cette acte de naissance en tant qu’individu permettra de parfaire la love story et d’assurer un mariage idéal.
Lorsque la mécanique se grippe, c’est davantage pour contraindre les protagonistes à devenir plus héroïques encore : elle chantera pour les orphelins tandis qu’il s’adonnera à la peinture. Les petits ressorts de la tragédie ne trompent personne, même s’ils restent touchants, et nous conduisent tout droit vers le Noël sacré du cinéma américain, porteur de miracles et d’harmonie.