Alors qu’on n’en peut plus de lire les accroches « une lettre d’amour au cinéma » placardées partout à l’occasion des imposantes promos des récents The Fabelmans, voici qu’arrive le dernier projet de Sam Mendes, dans lequel le cinéma tient aussi une place de choix.
L’angle est prometteur, puisqu’il ne s’agit pas d’évoquer la fabrication ou le parcours initiatique d’un cinéaste, mais le cinéma en tant que lieu de projection : la salle, tant mise à mal depuis quelques années, et qu’on resitue ici à l’aube des années 80 ; une époque loin d’être considérée comme un âge d’or, mais dans laquelle elle tient fermement sa place dans le maillage urbain.
Empire of light ne fera pourtant pas du cinéma le sujet central de son récit : c’est un cadre, qui centralise les thématiques et accompagne les personnages dans une progression assez laborieuse au cours de laquelle les symboles, les imes et les accomplissements se succéderont sagement. La très belle séquence d’ouverture, éclairée par la pointure Roger Deakins, pose ce lieu magique dans lequel les lumières s’allument progressivement, avant que le destin des personnage ne laisse sourdre l’inévitable obscurité de leur cœur.
Deux candidats à la résilience vont donc jouer leur partition en duo : elle est malheureuse et sous traitement médicamenteux avec possibilité de crises, il est noir. À l’intérieur, la liaison minable avec le patron marié, à l’extérieur, les hordes de skins qui commencent à faire du bruit, et traquent leurs victimes (sur cette émergence du mouvement skinhead à la même époque, mais en , on ne saura trop recommander le bien plus puissant Les Rascals de Jimmy Laporal-Trésor, sorti il y a quelques semaines).
Empire of light cumule les qualités : de l’image, bien entendu, de l’interprétation habitée d’Olivia Colman, et la modestie du sujet est elle-même à saluer après les grosses machines alignées par Sam Mendes, de la saga James Bond à 1917 et ses partis-pris esthétiques. Débarrassé de ces contraintes (le blockbuster ou l’exercice de style), le cinéaste doit tout miser sur l’écriture, et c’est là que le projet achoppe. Souligné poussivement par une musique mièvre, son récit accumule les mécaniques dramaturgiques, et tente de réunir plusieurs thématiques au risque d’effleurer l’ensemble : chaque personnage a sa confidence, sa crise, son épiphanie, et on anticipe sans effort le prochain palier, avec une impatience tempérée par l’empathie que l’auteur exige de nous.
Alors que le début, assez prometteur, voyait les deux personnages investir une partie abandonnée du cinéma, on comprend vite que le cadre ne sera qu’un relais assez pesant aux enjeux, madame opérant sa résilience en osant enfin s’asseoir pour voir un film, tandis que le projectionniste aura aussi son moment pour nous expliquer la magie de la persistance rétinienne, affirmant au protagoniste : « You don’t see the darkness ». Mais les grosses coutures, si.