Si Fred a un intérêt, c'est bien de parler de la périphérique : "entre la campagne et la ville, c'est la merde !" s'énerve le pourtant placide inspecteur Barrère (François Berléand). Une de pavillons sordides (tous les mêmes), d'usines abandonnés, un pays gangréné par la désindustrialisation et le chômage. Ici, c'est bien la crise (dont on ressent l'impact profond dans le paysage) qui pousse au crime. Jolivet tisse un lien évident entre les deux, un engrenage infernal, déterministe qui amène à faire dans la combine criminelle - un lien de cause à effet souvent évoqué dans le cinéma italien par exemple, plus rarement dans le cinéma français (la raison du plus faible de Lucas Belvaux prolongera la même idée quelques années plus tard). Dans Fred, vraie série noire, cela tourne encore plus mal, aux meurtres. Ceux-ci, brutaux, revêtent même un caractère "ouvrier", on sa bat à coups de herses, de couteaux, on jette quelqu'un d'un étage d'une usine abandonnée, les tueurs (appelés "les connards de Juvisy") se baladent dans une camionnette un peu pourrie - on est ici dans une délinquance de prolos.
Face à un Fred (Vincent Lindon), personnage montré sans angélisme (pas forcément sympathique, plutôt alcoolo, bagarreur autant que militant...pas vraiment le héros typique, plus un loser de cinéma américain), c'est bel et bien Barrère qui tire la couverture à lui : un inspecteur nonchalant, désenchanté, clairvoyant mais malgré tout cela, profondément humain - François Berléand campe parfaitement ce personnage attachant. Il est la révélation du film.