Après son très bon Billy Lynn's Long Halftime Walk sorti très confidentiellement en 2016, Ang Lee signe un film dont la seule qualité se réfère à la technique, et encore de loin, pour le meilleur.
On era très vite sur le scénario de Gemini Man qui tient sur le dos d'un timbre poste, déjà vu et revu, et rabâche cinquante mille fois quand il s'agit de s'intéresser au phénomène du clonage. Après une dernière mission qui lui laisse un fort goût de rancoeur, un tueur à gage surnaturellement doué se voit traqué par un collègue qui n'est autre qu'un clone de lui-même, vu qu'il est le meilleur. Ce concept s'étale sur deux très longues heures qui ont beaucoup de peine à captiver, à l'exception de ses scènes d'action. Mais, finalement qu'est-ce qui ressemble plus à une scène musclée qu'une autre scène musclée? Et il faut avouer que dans ce domaine les technocrates hyper procéduriers du cinéma commercial peinent très sérieusement à se renouveler. Gemini Man en est le énième exemple récent.
Première prouesse technique, Will Smith incarne le tueur et son clone. La belle affaire! Ce gadget, parfaitement réalisé certes, n'en reste pas moins qu'un simple jouet de et pour des grands gamins, ceux qui se vantent d'avoir gardé leur âme d'enfant, donc renient la maturité et par là le cours naturel de toute existence. On va sûrement entendre des cris d'exclamation et des applaudissements, mais tout cela sera déé dès les prochaines innovations technologiques et ne restera pas très longtemps dans les annales du Septième Art. Gemini Man est d'ailleurs l'exemple parfait pour se permettre une nécrologie en bonne est due forme de ce qu'est devenu l'Art du mouvement depuis qu'on le confie aux technocrates cités plus haut en leur octroyant des budgets totalement indécents pour parvenir à leur forfait: assassiner tout ce qui reste d'artistique dans l'art du cinéma.
Dès les premières images de ce long métrage, on a la très détestable impression de se trouver sur le tournage du film, à côté des comédiens, tant l'image est fade comme peut l'être la réalité. C'est à la fois bizarre et effrayant. On croit que l'on va pouvoir s'adresser aux acteurs tant le travail sur l'image semble inexistant. Si cette plastique plate et pâlotte peut seoir à des divertissements comme les jeux vidéo dont le but principal est d'immerger le joueur dans son jeu, elle ne convient pas du tout au Septième Art, car elle annule complètement tout le travail des chefs-opérateurs qui ont pour vocation de magnifier la lumière pour rendre une scène esthétiquement intéressante. Pire, elle efface totalement ce qui fait l'essence d'une oeuvre d'art, quel que soit son : la zone indéfinissable entre la proposition de l'artiste et la réception du spectateur. A trop vouloir imiter la réalité, on tend à détruire la nature intrinsèque de l'art, à formater des spectateurs qui perdront définitivement leur sens critique et leurs perceptions esthétiques. Les professeurs en esthétique se préparent un futur compliqué si la tendance va dans ce sens et, quand on voit les milliards octroyés aux sorciers de ce que l'on nomme très stupidement "la réalité virtuelle", on ne peut que désespérer. Cette imitation de la réalité est ici tellement impeccable qu'elle en devient parfaitement laide.