Décidément, vouloir être acteur ne réussit pas à Abel Tesfaye, alias The Weeknd. Il y a deux ans, venu présenter au festival de Cannes les deux premiers épisodes de sa série The idol réalisée par Sam Levinson, le chanteur-acteur s’était pris une volée de bois vert face à son interprétation peu convaincante (pour beaucoup, et plutôt honorable pour d’autres) dans le rôle d’un gérant de boîte de nuit pas mal gourou sur les bords. Mais aussi parce que la série traînait une désagréable impression de clinquant assumé flirtant avec le grotesque et un male gaze décomplexé (Levinson, pour sa défense, cita Showgirls comme l’une des références de la série).
Hurry up tomorrow ne devrait donc pas arranger les choses, sur le fond comme sur la forme d’ailleurs. Car il faut avouer que l’on ne sait toujours pas, à la fin du film, répondre à cette question essentielle, voire existentielle : The Weeknd joue-t-il bien, oui ou non ? Même Trey Edward Shults semble ne pas le savoir, laissant Tesfaye faire ce qu’il veut (ce qu’il peut ?) devant sa caméra, errer, s’emporter, se morfondre, regarder dans le vide ou regarder son nombril… Inspiré d’un événement traumatique survenu lors de l’un de ses concerts en 2022 (où The Weeknd perdit sa voix) et complément cinématographique de son dernier album du même nom, Hurry up tomorrow oscille constamment entre l’ego trip lourdingue à tendance rédemptrice (mais difficile d’y croire tant le personnage apparaît constamment antipathique) et le simple placement de produit (mais bon, après tout, il n’est pas le premier à avoir fait ça : The Beatles, Prince ou Michael Jacskon).
Dommage parce que le scénario, à sa moitié, sait surprendre, et même dérouter, en s’engageant dans un registre plus sombre et border line que toute la première partie, assez convenue. Mais pour, in fine, ne pas mener à grand-chose, sorte de catharsis boursouflée qui prête à sourire tant elle s’enlise dans la vaine introspection sur fond de playlist Spotify, et par laquelle The Weeknd cherche à la fois sa vérité et le pardon, interrogeant son statut d’artiste, sa célébrité et son rapport aux fans, et leur part presque inévitable de toxicité. Shults lui, pendant ce temps-là, filme (et monte) tout ça comme un clip vidéo arty (c’était déjà le cas pour Waves) qui, très vite, devient visuellement fastidieux, de la bouillie. Entre épate sensorielle et tentative de réalisme brut, Shults veut nous faire croire qu’il filme comme un dieu, alors qu’il ne fait qu’enfoncer le film dans quelque gouffre de ridicule et de prétention.
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