Iris, dernier film en date de Jalil Lespert, est un thriller français basé librement sur le scénario du film Chaos de Hideo Nakata, sorti en 2000. Tout comme Elle, de Paul Verhoeven, Iris était un projet initialement destiné au marché américain, et donc pensé pour être tourné en anglais, mais la présence de scènes de sexe explicites couplées à l'ambiguïté de l’intrigue s'est finalement révélée trop risquée ou complexe pour faire face au puritanisme Yankee, le projet a donc fini par devenir une production entièrement française. Il est à noter que Lespert a engagé le scénariste australien Andrew Bovell, auteur notamment des films Lantana et A Most Wanted Man, pour faire l'adaptation du scénario original, tout en s'occupant, avec l'aide son coéquipier Jérémie Guez, de l’adaptation de la version française.
ons donc de suite par la case synopsis:
Max est un mécanicien menant une existence pour le moins terne, endetté et séparé de sa femme et de son fils, il n'entrevoit aucune perspective d'avenir, jusqu'au jour où il rencontre par hasard une femme nommée Iris. Cette femme séduisante, mariée à un riche banquier, lui propose un marché: En échange d'une grosse somme d'argent, elle désire qu'il l'enlève afin de pouvoir échapper à sa vie et plus particulièrement à son mari. Un plan à priori sans faille que Max accepte d'exécuter, mais il est loin de se douter que l'engrenage dans lequel il s'engage va bouleverser son existence, et mener à des événements qui prendront un tournant inattendu et dangereux...
Au premier abord, Iris est un film plutôt intelligent et impertinent avec une intrigue bien rythmée qui parvient à tenir son public en haleine, tout du moins dans les deux premiers tiers du film. Ce métrage est particulièrement réussi au niveau de ses performances d'acteur, si le casting peut laisser quelque peu circonspect au premier abord, on se rend vite compte que la direction d'acteur de Lespert est de bonne facture, outre le rôle de riche banquier qu'il joue lui-même, les premiers rôles sont ici tenus par le polyvalent Romain Duris, incarnant un mécanicien s'improvisant en kidnappeur malheureux, et Charlotte Le Bon, qui campe le rôle-titre de la femme enlevée. Malheureusement, ce film n'est pas exempt de tout reproche, et au fur et à mesure que l'intrigue s'épaissit, la crédibilité des enjeux présentés est poussée jusqu'à sa limite, tandis que le scénario prend un tournant de plus en plus prévisible.
Il n’est pas difficile de saisir que ce film constitue clairement une sorte d’hommage au thriller hitchcockien classique, plus particulièrement à un film comme Vertigo, le montage est d’ailleurs l’un des points forts du métrage, particulièrement dans son premier acte, constitué de trois histoires entrelacées se concentrant tour à tour sur chacun des groupes de personnages auxquels nous aurons affaire, en termes d’intrigue pure, toute la première partie du film est délicieusement tordue, présentant certains motifs et événements intelligemment camouflés dans le but de semer le trouble dans l’esprit du spectateur.
Techniquement, le film est plutôt réussi, la photographie de Pierre-Yves Bastard présente un ensemble de couleurs froides et désaturées, couplées à des angles de caméra ingénieux, pensés pour refléter l’esprit tordu des personnages et leur caractère froid et calculateur, la musique va également dans ce sens, avec une composition inquiétante, s’intégrant parfaitement au style du thriller, bien qu’aucun thème en particulier ne ressorte au final.
Lespert possède clairement un talent pour tirer des performances intéressantes de ses acteurs. Romain Duris est presque méconnaissable dans son rôle de mécanicien grossier et crasseux qui réalise lentement qu'il est le dindon de la farce, tandis que Charlotte Le Bon alterne sans effort entre la victime innocente et la prédatrice sexuelle. Cependant, il s'agit également de l'une des principales faiblesses d'Iris. Le sous-texte sadomasochiste entourant l'ensemble du complot est quelque peu irritant et moyennement convaincant. Le personnage de Lespert, Antoine Doriot, semble dans un premier temps posséder un côté sombre pour le moins intéressant, mais qui se voit finalement réduit à un ensemble de clichés relativement convenus, clichés qui ne parviennent évidemment pas à nous retranscrire la complexité de sa psyché et l'esclavage qu'il subit par rapport à ses pulsions sexuelles. On pourra également se poser quelques questions quant à la pertinence de certains choix de casting, notamment celui de Camille Cottin dans le rôle du capitaine de police menant l'enquête. Si son rôle de "Connasse" lui sied à merveille, il est plutôt difficile de la prendre au sérieux dans celui d’une femme flic poursuivant un criminel dangereux le pistolet à la main.
Pour parler un peu plus de la réalisation en elle-même, on se rend compte qu'elle flirte sans arrêt avec la parodie et le ridicule involontaire, ce phénomène est peu visible dans la première partie du film, qui reste sobre, mais s'accentue malheureusement de scène en scène, jusqu'à atteindre un point où chaque renversement de situation va apporter un nouveau complot inattendu, qui manque à chaque fois de faire basculer l'intrigue dans l'absurde le plus total, à mesure que le cinéaste s'aventure dans le territoire du film noir, genre auquel il tente de s’identifier de manière quelque peu maladroite avec cette histoire de femme fatale typique, même si la mise en œuvre est décevante, c'est une tentative risquée qui mérite au moins d'être saluée.
En résumé, Jalil Lespert s'est livré à un exercice de style quelque peu vain après le succès de son biopic d'Yves Saint-Laurent en 2014, un film qui tente de reprendre les grands motifs du film noir au travers d'une intrigue modérément maîtrisée. Il s'agit tout de même d'un petit film divertissant, disposant d'une belle direction artistique et d'une mise en scène élégante, mais où l’on se surprend trop souvent à se poser la question de l'intérêt et de l'utilité de l'ensemble du projet. D'autant que le film oscille dangereusement entre le très bon et le très mauvais, sauvé notamment par de bonnes performances de la part de ses acteurs principaux (Romain Duris, Charlotte Le Bon et Jalil Lespert lui-même), mais plombé par une intrigue aux enjeux bancals et qui ne parvient pas à maintenir l'intérêt du spectateur tout au long de ses 99 minutes. En somme, un thriller prometteur au premier abord, mais qui se finit malheureusement en eau de boudin en laissant une impression désagréable de déception et un goût amer dans la bouche. Dommage, car il y avait clairement du potentiel.