[Mouchoir #2]
Une nuit de novembre 2017, je me suis dit qu'il fallait que les mots sous la note deviennent une pratique plus systématique. Car même si ça ne me plaisait pas, j'écrivais moins depuis quelques temps. J'attribuais une note au film, je le plaçais tout juste dans quelques listes, le rangeant parmi d'autres. Notamment parce que je commençais à m'en bouffer du film, de plus en plus quémandeur de sensations, d'émotions, d'un truc qui me fasse me dire : « Putain, qu'est-ce que c'était que ça ? »
Alors oui, se tourner vers Wise, c'est facile. Je sais que l'homme me plaît, y'a plus rien à prouver là-dessus. Puis je vais pas ressortir le « Oui mais peut-être que cette fois ça sera pas la bonne, j'ai peur, etc. » à chaque nouveau visionnage, faut changer de cassette aussi. Rares sont les déceptions chez lui. Pourtant c'est ça mon rapport à Wise : j'y vais à reculons, j'ai peur de tout découvrir et d'écrire dessus tant ça me fascine. Mais là, je me suis rendu compte de quelque chose, j'ai mis les mots sur l'effet qu'il me fait. C'est tellement anodin que j'y avais jamais fait gaffe.
Je sens les battements de mon cœur devant ses films, littéralement. C'est comme si je me calais sur un métronome filmique invisible, sous l'emprise d'un rythme staccato, exacerbé. Le cinéaste lui-même l'avouait, dans cette formulation d'un public « who can never espace ». Et cette impression de pulsations cardiaques semble tirer sa force d'un jeu de tension and release, d'attentes, de répétitions, de surprises qui agrippent musicalement, nous attirent dans l'espace filmique ; un tempo que le film s'amuse à violenter, nous rappelant que notre cœur bat, puisqu'on a tendance à l'oublier parfois ; qu'on vit. Me voilà de nouveau ensorcelé, dans l'incapacité de m'échapper, et c'est sûrement ce qui me fait dire que Robert Wise est l'un des plus grands conteurs du siècle é. Il m'a fallu cinq secondes pour être pris par le récit et pourtant même la nuit ne m'en a pas fait sortir.
[06/11/17]