Après le kitschissime «Potiche» (2010), comédie boulevardière à déguster au 3e degré, «Dans la maison» (2012), faux thriller pasolinien et véritable leçon d’écriture porté par un Fabrice Luchini éblouissant, François Ozon livrait ce film à la tonalité plus grave mais tout aussi rigoureusement construit, rythmé par un poème de Rimbaud («On n’est pas sérieux quand on a dix-sept ans») et quatre chansons de Françoise Hardy qui marquent le age des saisons. Tout commence en été: Léa, 17 ans, séduisante à croquer, joue au lézard sur la plage des vacances (sous le regard concupiscent de son petit frère, en proie aux premiers émois de la puberté) tout en échafaudant des plans pour se débarrasser de son pucelage. Une tâche dont se chargera un jeune bellâtre teuton au torse et au cerveau soigneusement épilés: fin du premier épisode. Arrive l’automne à Paris, où l’on découvre une Léa qui troque ses jeans et sa parka informe pour un tailleur chic piqué à sa mère. Ainsi transformée, elle part vendre ses charmes à des clients és sur internet. L’hiver sera la saison du scandale, et le printemps celle de la réparation, peut-être du basculement définitif dans l’âge adulte...
Même s’il comporte plusieurs scènes de sexe explicites qui ont créé un certain émoi à Cannes, «Jeune et jolie» n’a rien de choquant, ni même de vraiment érotique d’ailleurs, lorsqu’il montre des corps nus en action. Loin de cautionner la prostitution adolescente, Ozon brosse avec beaucoup de subtilité le portrait d’une jeune fille consciente de l’émoi qu’elle suscite chez les hommes, pour qui le fait de vendre son corps relève de l’expérience de vie plus que de la transgression. Comme dans le «Belle de jour» de Buñuel, autre exploration fantasmatique de la sexualité féminine auquel on ne peut s’empêcher de penser, on cherchera en vain une explication psychologique au comportement de Léa. Scandée dans des plans récurrents (escaliers de métro, couloirs d’hôtels) qui lui confèrent une allure de rituel, cette ode au mystère impénétrable de l’adolescence doit beaucoup au talent naturel de Marine Vacth, une nouvelle venue dont on entendra certainement encore parler. Et confirme François Ozon comme un exceptionnel directeur d’actrices.
Critique écrite à la sortie du film