Attendu depuis 14 ans, le quatrième opus de la franchise Jurassic Park est enfin arrivé. Que ce fut dur ! Annoncé depuis la sortie de Jurassic Park III (2001), le projet a d'abord consisté à clore la saga (pour 2005). Faute d'un scénario convaincant, il tombe un peu aux oubliettes (2008) avant de refaire surface fin 2010 où Joe Johnston affirme qu'Universal songe à produire une nouvelle trilogie avec des dinosaures sur le continent d'une manière inédite. L'officialisation de Jurassic Park IV intervient début 2013 et Colin Trevorrow est choisi comme réalisateur. Rapidement, il est affirmé que l'objectif est de relancer la franchise avec une nouvelle trilogie, faisant suite à la première, dont le point de départ serait l'ouverture sur la même île (Isla Nublar) d'un nouveau parc : Jurassic World...
Malgré quelques petites connexions ici et là (comme le retour d'un personnage secondaire), on ne peut pas dire que le réalisateur/scénariste se soit embêté pour maintenir un lien étroit avec la trilogie originale. En fait, nous avons clairement à faire à un reboot déguisé et dans lequel est dissimulé tout un tas de clins d'œil. On avait peur que Jurassic World ne soit dans sa construction qu'un copier-coller moderne de Jurassic Park mais heureusement il n'en est rien. Treverrow évite les redites, le récit va nous envoyer définitivement dans une nouvelle direction. Les clins d'œil sont néanmoins nombreux et furtifs pour la plupart sauf
celui de la découverte de l'ancien centre des visiteurs. Alors que cette scène devait être la séquence "émotion" pour les fans, ça fait pschitt : on ne voit rien, c'est court et aucun plan n'est iconique...
L'histoire prend place dans un parc ouvert et qui fonctionne depuis plusieurs années et où les ingénieurs vont s'am à créer de nouvelles espèces pour éviter la lassitude du public qui réclame toujours plus. C'est alors qu'est créé un hybride (un dinosaure ayant l'ADN de plusieurs espèces) qui va être l'élément perturbateur du parc. L'aspect manipulation génétique et leur utilisation me plaît assez puisque la problématique est au cœur du roman de Michael Crichton. Néanmoins, n'y avait-il pas d'autres solutions moins brutales que la création d'une abomination ? Car ce qui faisait l'essence à l'époque d'un Jurassic Park était la visée pédagogique qu'on perd ici d'autant plus que les dinosaures classiques ne sont pas mis à jour scientifiquement avec par exemple l'absence totale de plumes sur les espèces qui en possédaient (Vélociraptors, Gallimimus).
L'autre nouveauté majeur de cet opus est la domestication des Vélociraptors. Je trouve que l'évolution à travers les films est cohérente et la domestication est un aboutissant qui me paraît logique par rapport à ce qui était présenté avant (intelligence, perversité, communication). Le paris est gagnant et leur présentation en douceur est réussie.
Exceptés les Vélociraptors non mis à jour, on constate que le design des animaux a changé. Tricératops, Stégosaures, Ptéranodons, etc. ne ressemblent en rien aux créatures de la première trilogie. Un choix artistique gênant pour la continuité. Pour faire er la chose, on peut se dire que l'ADN a été retravaillé par les généticiens du parc... On ne reconnaît même plus le Tyrannosaure, censé être le même ! Mais la source du problème vient peut-être d'autre chose que j'évoquerai plus tard.
Pour le parc en lui-même, on ire son réalisme (gestion des visiteurs, leur comportement et occupations) et on sent que les équipes du film ont é du temps dans les parcs à thème existants. La construction en dur de la plupart des décors de proximité y ajoute de la crédibilité et la photographie met en valeur cet ensemble (3D non nécessaire).
On ne pourra pas en dire autant des personnages. Déjà, le ton pose problème. Les précédents films reposaient sur le frisson, la pression, la subjectivité et sur le drame que vivait les personnages. Bref, on ressentait avec eux l'enfer qu'ils subissaient. L'ensemble est moins sérieux, le divertissement est devenu plus familial, beaucoup plus aseptisé, sans surprise. Nous sommes dans un blockbuster bien actuel fait pour plaire d'abord aux adolescents. L'humour est trop présent. Le traitement des antagonistes n'aide pas, ils manquent cruellement d'épaisseur, paraissent un peu bébêtes et leurs motivations sont développées au minimum. L'aspect complot de l'histoire, qui est une excellente idée, tombe un peu à l'eau car on manque d'éléments. Le scénario livre en plus des facilités, des scènes inutiles et mièvres (les enfants et le divorce des parents, Claire Dearing en mode Kirby). Niveau acteur, on retient bien évidemment Chris Pratt intéressant en baroudeur, on aime l'alternance entre humour et un sérieux étonnant.
Si le traitement des personnages me semble discutable, le rythme du film permet de ne pas trop s'attarder dessus. Cela s'enchaîne, on ne s'ennuie pas, la réalisation de Colin Trevorrow est bonne avec des décors futuristes qui maintiennent l'attention et des scènes d'action très réussies comme la séquences d'attaque des ptérosaures (faisant directement référence aux Oiseaux d'Alfred Hitchcock) et une apparition du Mosasaure tout à fait étonnante qu'on regretterait qu'elle ne soit pas plus longue.
Cependant, ce dernier point se perd dans un dernier tiers complètement WTF. On peut dire que les scénaristes ont pris "de la blanche". Le film se termine sur un combat invraisemblable, totalement irréaliste où un Tyrannosaure, l'hybride et un retour ridicule d'un raptor s'affrontent tels des judokas où le jeu des alliances (??!) sera déterminant. Cette séquence laisse un goût amer, d'autant plus que nous sommes inondés de CGI trop visibles. On n'y croit plus.
D'ailleurs, le film semble trop synthétique. L'abandon total des animatronics (sauf dans une courte scène d'émotion) est préjudiciable puisqu'ils apportaient un grand réalisme aux animaux. Cet aspect artisanal qui a tant fait la réputation de la trilogie se voyait. Tous les animaux sont donc digitalisés mais leur intégration dans le paysage naturel se voit de temps en temps avec des problèmes au niveau de la texture. D'accord, dans l'ensemble ils s'en sortent très bien mais des scènes font tâches. Comparez le Tyrannosaure de JP et de JW qui est censé être le même... Si JP avait permis un grand bon en avant à l'époque, ici il n'y aucune révolution, voir une régression sur certains plans. C'est symptomatique d'une époque où Hollywood cherche à impressionner de la façon la plus rentable possible. Que le rendu soit réaliste ou non, on s'en fou... Cela ne peut pas er. Jurassic World est donc le film aux dinosaures les moins réalistes de la franchise. Les plans larges du parc paraissent également artificiels...
Au final, Jurassic World est un film qui remplit son contrat de divertissement familial qui ne se préoccupe que très peu de son héritage. La morale du film dénonçant un public qui en veut toujours plus, ici appliquée directement au spectateur du parc, est certes louable mais le long-métrage n'applique pas ce qu'il dénonce, preuve que Colin Trevorrow avait probablement le "cul" entre deux chaises...