Partout on lit « le retour du fils prodigue », « le nouveau chef d’œuvre de Xavier Dolan », etc. Alors qu'une grande majorité semblait découvrir le réalisateur sous les meilleurs auspices de Cannes, Xavier Dolan serait né avec Mommy. On en oublierait presque les films du début, avec une certaine fougue et un peu d'égocentrisme mais qui révélaient pourtant les prémices d'un cinéaste.
A trop attendre d'un supposé génie, les ambitions ne sont-elles pas trop hautes, ou du moins tronquées ? Le boulevard que Cannes lui a ouvert ne risque-t-il pas de nuire à son cinéma ?
Dès l'annonce du casting on tressaille, autant de haut vol que de têtes à claque ; et le réalisateur a pour beaucoup une nonchalance qui dérange.
Pour autant quand on est là depuis le début, on outree le côté prétentieux, on serre les dents à l'idée de voir jouer Léa Seydoux et on laisse une chance à quelqu'un qui rêve de cinéma ; même si la grosse tête semble poindre par moment. Et puis la bande annonce est plutôt bien fichue, c'est assez rare pour le mentionner.
Juste la Fin du Monde est adapté d'une pièce de théâtre écrite en 1990, c'est peut être là le mauvais point de départ. Si on juge le film comme étant bavard, il l'est d'autant plus que les dialogues n'apportent rien à cette incommunication que Dolan semble garder comme objectif. Les balbutiements pour mettre mal à l'aise restent dictés plus que naturels, baignant le spectateur dans le flou d'une famille qu'on trouve très vite peu crédible.
L'absence de psychologie, voir de sociologie des personnages est au final ce qui dérange le plus. On prend clairement le parti de Louis distant d'une famille sortie de Confessions Intimes, où le reproche e par des discours incohérents qui empêchent toute tentative de discussion.
Pour cela on peut en effet donner la palme au réalisateur, pour autant l'effet recherché est parfois irritant ; à l'image de cette scène dans la voiture entre les deux frères : Si Vincent Cassel joue parfaitement bien ce genre de personnage (ce n'est pas pour rien qu'il a été choisi), son comportement brutal, qu'on a remarqué en plus de nous le répéter, n'est jamais une conséquence de quelque chose de plus psychologique. Si bien qu'il en devient inable.
Pour une fois j'accorde mes faveurs à Léa Seydoux, plutôt juste dans ce rôle d'ado rebelle qui tente de comprendre maladroitement. Mais la plus juste reste encore Marion Cotillard, dans un second rôle tout en retenu et en douceur, presque opprimé par une famille instable. Nathalie Baye s'efface au profit du personnage phare des films de Dolan : celui de la mère qu'incarnait parfaitement bien Anne Dorval ; Gaspard Ulliel reprenant la figure type du silence et de la distance, bon dans l'ensemble mais sans transcender le personnage malade qu'il incarne.
Xavier Dolan est excellent dans divers domaines, même si la forme peut parfois énerver, il a un style propre à lui qui sied bien à sa narration. Le plus grand défaut de son dernier film restant probablement l'absence d'un scénario écrit par ses soins.
Plutôt efficace quand il aborde un sujet social, il s'essaie là à quelque chose de différent, un peu comme avec Tom à La Ferme, mais sans parvenir à nous convaincre totalement. L'utilisation de la musique, jusque là aisé dans sa filmographie, est ici ratée : trop de violons dans des silences, et une scène purement sortie de ses anciens films mais qui a du mal à er dans l'ambiance de cette réunion de famille (la scène des deux amants reprend le côté pop décalé que Dolan utilisait à ses débuts).
Et si il parvenait dans Mommy à rendre émouvante une chanson de Céline Dion, le tube de O-zone e mal. Dans cette scène il casse les codes de l’émotion mais sans parvenir à nous dre à sa fantaisie ringarde.
Pourtant Xavier Dolan garde un savoir-faire, la réalisation parvient à transmettre le malaise par ses gros plans. Il instaure une ambiance étouffante et garde une certaine attente du spectateur pour le moment de la révélation. On sent qu'il tente des choses différentes, ce dont on ne peut lui en vouloir totalement mais il lui faut garder une certaine fraîcheur tout autant qu'une certaine distance avec les critiques (autant professionnelles que spectateurs). Prendre du galon est une bonne chose mais attention à l'entourage qui prend peut-être trop d'ampleur dans la création.
Le jeune homme est un touche-à-tout et je lui pardonne volontiers ses envies d'ailleurs mais gare à ne pas se perdre sur le chemin du succès. La liberté du début ne doit pas être sacrifiée au tout-est-possible de la réussite.
Juste la Fin du Monde me laisse partagée, l'histoire de cette famille trop peu caractérisée psychologiquement ne m'a pas convaincu, la fin ne replaçant pas les choses dans un juste contexte, on ressort déstabilisé. Xavier Dolan fait un peu trop ce qu'on attend de lui depuis Mommy, mais le film garde une trace, une marque d'un réalisateur qui n'a pas fini de nous émouvoir et de nous surprendre malgré les difficultés.