Any shelter from life is unattainable wealth.
On peut légitimement penser que ce film est une redite du Troisième Homme et aussi (pas seulement parce qu'il y a le même acteur principal !) de l'injustement méconnu Huit Heures de sursis (selon moi, le meilleur film de son réalisateur !). Berlin remplace juste Vienne, l'ancien nazi qui espionne pour l'Est le membre de l'IRA. Même ton sombre, fataliste, avec des pointes de fantasmagorie, le tout avec l'élégance visuelle, reconnaissable entre toutes, de Carol Reed.
Donc oui, c'est une redite, mais on ne peut pas reprocher l'ensemble de manquer de personnalité. On ne peut pas lui reprocher, non plus, d'être dépourvu d'intensité et de rythme et de ne pas savoir alterner séquences d'action et séquences intimistes. Reed n'est pas un manche pour filmer, par exemple, une poursuite en voiture, ni pour donner subtilement une belle consistance à ses personnages.
James Mason est, comme à son habitude, magistral en mystérieux espion ayant perdu toutes ses illusions en voyant et en commettant des horreurs, mais qui n'a pas pu s'empêcher de conserver un caractère chevaleresque. Il a aussi une partenaire pleinement à sa hauteur, à travers une Claire Bloom, sublime, gracile et virginale, en jeune fille anglaise qui va brusquement devenir une femme. Très marquante et troublante scène que celle où elle est obligée de s'habiller en prostituée pour échapper à des poursuivants. Un duo de personnages, très dissemblables, l'un ayant tout vu et tout vécu au contraire de l'autre, et pourtant en même temps, très complémentaires, très attachants, superbement incarnés, avec une alchimie parfaite.
On a aussi un aspect documentaire intéressant avec un Berlin divisé en deux (d'accord, officiellement en quatre, mais il y avait, tout de même, surtout deux gros blocs opposés !), où, malgré le fait qu'il n'y avait pas encore de mur à l'époque, il n'était pas si facile de quitter le secteur soviétique, et avec des restaurants avec un téléphone à chaque table pour que le client puisse communiquer facilement avec des péripatéticiennes. Un Berlin misérable, qui ne donnait pas l'impression qu'il allait bientôt renaître, d'une manière fracassante, de ses cendres et de ses ruines.
Si ce thriller, sur fond d'une Guerre froide, qui avait rarement connu des températures aussi basses, par son aspect déjà-vu, n'est pas parmi les grands sommets du cinéaste, il est néanmoins, par ses très belles qualités, totalement digne d'intérêt.