Faut-il être un connard pour devenir un champion ?

Robert Redford est vraiment un acteur étonnant, bien plus intéressant qu'il ne le paraît. Il faut être audacieux et courageux pour mettre un physique aussi avantageux au service de personnages aussi antipathiques, comme celui de "Propriété interdite" ou celui de ce film.

Egocentrique, fermé, complexé, arrogant, agressif, méprisant... Son champion de descente est un connard de première. "A complete jerk", en anglais. Un connard de compétition serait même plus adapté, vu qu'il est obsédé par elle. Il est incapable et refuse de faire partie d'une équipe. Il est incapable d'aligner trois mots, et quand il les aligne, c'est pour sortir un truc blessant ou maladroit. Il n'a que faire des sentiments des autres. Seules comptent la compétition et la première place.

Ce film aux allures de documentaire fait d'abord le portrait d'un champion en devenir et des "qualités" nécessaires pour y arriver. Il ne s'agit pas d'un homme qui devient un connard à cause de la compétition, mais d'un connard qui devient un champion grâce à son caractère d'origine. Redford nous dit donc que, pour devenir un vrai champion, il faut une bonne dose d'arrogance (être persuadé qu'on est le meilleur), une bonne dose d'égoïsme (réussir pour soi et pas pour l'équipe) et une bonne dose d'agressivité (tant pis pour celui qui échoue).

Tout ça sonne vrai, surtout grâce à l'interprétation à la fois sobre, subtile et précise de Redford. Son David Chappellet est mutique, inadapté, autocentré, antipathique au possible. Le film donne quelques indices sur l'origine de ce caractère asocial, notamment dans les scènes où il retourne dans son village du Colorado le temps d'une visite à son père. Celui-ci vit seul dans une ferme (David a-t-il eu une maman ?) et est aussi fermé que lui. Leurs retrouvailles, après des mois de séparation, sont loin d'être chaleureuses et le père semble en plus mépriser la ion de son fils. Après un petit tour dans le patelin, le temps de culbuter vite fait une ancienne copine de lycée dans la voiture de son père, David retourne dans les Alpes pour ses chères compétitions.

Michael Ritchie montre bien aussi les complexes d'infériorité qui sous-tendent toute l'agressivité et l'arrogance de Chappellet. Le garçon a beaucoup de mal à s'exprimer et ne connaît rien en dehors d'Idaho Springs, Colorado. Il découvre le luxe des stations de ski suisses et sa faune privilégiée. Grâce au jeu subtil de Redford, on comprend beaucoup de choses à travers des scènes sans dialogues et très courtes.

Le film parvient aussi à saisir avec maestria l'ambiance d'un sport et d'une compétition : le stress de l'attente et du départ, les sensations vertigineuses de la descente et l'ivresse de la victoire. Les descentes sont génialement filmées, notamment celles en caméra subjective. La sensation de vitesse phénoménale et le bruit des skis sur la neige sont fabuleusement captés.

Le film est austère par sa quasi absence de dialogues et de dramaturgie, mais sa radicalité et la composition de Robert Redford sont fascinantes. Last but not least, Redford est beau à tomber le cul dans la neige et je tuerais pour avoir sa veste en peau de mouton du début.

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le 24 nov. 2024

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Maîrrresse

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