Encore un chef d'œuvre, mot que je n'emploie pas à la légère : la seule scène de la procession suffit pour moi à le ranger dans cette catégorie. Toujours les gros plans expressionnistes sur les visages, les rouages des machines, les animaux, et ici des plans inoubliables sur les champs ondulants au vent... Obsessions qui donnent à Eisenstein cette chose si rare dans le cinéma : un style.
Le suspens de la scène de l'écrémeuse rappelle la fin du Cuirassé Potemkine. Les scènes dans la banque rappellent celles des actionnaires de La Grève. Celle de la paille dans les champs qui fait place à la pluie (similitude des traits) rappelle celle des pompiers dans La Grève. Je le place un chouïa en-dessous de ce dernier peut-être à cause d'une moins grande lisibilité de la trame narrative. Mais combien de cinéastes offrent des images d'une telle poésie et d'une telle puissance ? Ils se comptent sur les doigts d'une main probablement.
Quant au fond, qui m'importe peu pour juger de ce film, je ne peux m'empêcher de mettre cet éloge de la machinerie en regard de la critique qu'en fait Steinbeck (autre styliste), presque à la même époque, dans Les Raisins de la Colère. Et de me rallier plutôt à ce dernier.