"La Loi du désir" est un film brut, frontal, qui avait ou devait avoir une fonction très précise, j'imagine, dans l'Espagne de la fin des années 80. On ne choque plus de la même manière aujourd'hui, les tabous n'étaient pas les mêmes il y a 30 ans... Si je conçois l'intérêt de ces aspects-là, par leur capacité à questionner et faire évoluer les lignes, j'ai en revanche beaucoup plus de mal avec tout ce qui a trait au romanesque chargé, très très chargé. Une fois sur deux, un dialogue ou une séquence rate complètement le coche, que ce soit en termes de puissance dramatique (les différentes amours sensées êtres ionnées ne sont guère ionnantes) ou de puissance comique (les deux flics, par exemple, sont assez peu affriolants comme personnages de cinéma). C'est un peu comme si, du moins vu d'aujourd'hui, les ambitions déaient grandement le résultat.
Des ions tumultueuses extrêmement prononcées et les tourments de la création artistique : voilà qui renvoie, probablement, directement à Almodovar himself de manière autobiographique. Le mélange des genres est résolument baroque mais ne convainc qu'à moitié, les ages supposés être plus tendus, plus axés "thriller" sont à mon sens beaucoup moins réussis que le reste. Et, de fait, polluent l'ambiance du reste du film. On sent bien qu'on est aux prémices d'un style qui s'affine et s'affirme, avec des personnages marginaux ou délurés, toujours déchirés de toutes parts. De ce point de vue-là, beaucoup trouveront leur compte. C'est une façon plutôt compulsive de filmer le microcosme autour de quelques personnages, tentant de donner corps aux effusions de sentiments, mais qui ne m'émeut pas vraiment.
[Avis brut #76]